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Jazz et soul: l’engagement et l’exil


Miriam Makeba au Grand Gala du Disque Populaire au Congrescentrum, une photo de Rob Mieremet (domaine public)

Dans les années 1950, le jazz et la soul en provenance des États-Unis ont lancé une nouvelle vague de musiciens sud-africains jouant dans les nightclubs des grandes villes et dans les jam-sessions régulières organisées par différents centres sociaux. Les premiers orchestres se produisaient consciemment dans une forme d’imitation d’artistes américains célèbres. Un des plus importants ensembles de be-bop, The Jazz Epistles a ainsi été monté comme une version sud-africaine des Jazz Messengers d’Art Blakey. Malgré ces débuts un peu suiveurs, le groupe est rapidement devenu un des plus originaux du pays et a produit le premier album de jazz sud-africain, Jazz Epistle, verse 1, en 1959. Le groupe s'est dissous peu après mais ses membres ont tous fait une carrière importante par la suite. Il était composé du pianiste Dollar Brand (qui prendra plus tard le nom d’Abdullah Ibrahim), du saxophoniste Kippie Moekisti, du tromboniste Jonas Gwangwa, du trompettiste Hugh Masekela, du bassiste Johnny Gertze et du batteur Eraly Mabuza.

 

Tous seront également partie prenante dans la musique du spectacle King Kong, composée par Todd Matshikiza, qui deviendra un énorme succès dans les théâtres du pays et sera célébré comme le premier opéra jazz d’Afrique du Sud. Basé sur la vie tragique du boxeur Ezekial Dhlamini, le spectacle avait la particularité d’avoir une distribution majoritairement noire. Parmi les artistes lancés par le spectacle se trouvait la chanteuse Miriam Makeba.

 

Après avoir débuté avec les Cuban Brothers, un ensemble interprétant des chansons pop américaines, Makeba a travaillé avec divers orchestres avant de rejoindre les Skylarks, un groupe féminin comprenant également la chanteuse d’origine rhodésienne Dorothy Masuka. Elle développera par la suite un style personnel, mêlant ces influences jazz, soul et pop à des formes locales comme le marabi ou des traditions vocales xhosa et zoulou, comme le mbube. Les événements de 1960 et notamment le massacre de Sharpeville, après lequel le gouvernement durcira sa politique répressive, la contraindront à l’exil, comme beaucoup d’autres musiciens. Elle sillonnera le monde avec un succès grandissant et un message de plus en plus engagé. Lorsque le régime de l’apartheid révoquera sa nationalité, la rendant apatride, elle se verra offrir un passeport par le Ghana, l’Algérie, la Guinée et la Belgique.

 

Parmi les groupes qui se réfugièrent à l’étranger se trouvait également le premier ensemble de jazz mixte du pays : les Blue Notes, composé de Mongezi Feza à la trompette, de Dudu Pukwana et Nikele Moyake aux saxophones, de Johnny Dyani à la basse, de Louis Moholo à la batterie et de Chris Gregor au piano. Installés en Angleterre, ils ont développé une forme de jazz mêlant inspiration free et traditions africaines. Ensemble comme séparément, ils ont joué un rôle très important dans la scène musicale britannique. Chris McGregor étendra le line-up des Blue Notes pour créer le groupe Brotherhood Of Breath, incluant des musiciens anglais comme Evan Parker ou John Surman, et plus tard français comme François Jeanneau ou Louis Sclavis, entre autres.

 

Installés en Suisse (puis à New-York), Abdullah Ibrahim et son épouse, la chanteuse Sathima Bea Benjamin, ont également tous deux poursuivi une carrière internationale, soutenue par Duke Ellington avec qui ils s’étaient liés d’amitié.

 

Ouvertement opposé au régime, la plupart de ces musiciens en exil ont milité pour la fin de l’Apartheid et composé de nombreux morceaux engagés comme « Bring him back home » de Hugh Masekela, « Soweto Blues » de Miriam Makeba ou encore « Meadowlands » de Strike Vilakazi. (BD)


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