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Marabi et jive – l’urbanisation de l’Afrique du Sud au début du 20e siècle


Sophiatown, Johannesburg

Les formes musicales afro-américaines ont été introduites en Afrique du Sud à la même époque qu'en Europe. Elles étaient jouées par des Blancs ou des Noirs, voire même des Blancs à la face noircie dans les minstrels shows. Joe Brown, jig dancer, tourna dans la région du Cap dès 1862 avec les Nish's Christy Minstrels. Vers 1911, on y verra les Fisk Jubilee Singers puis le groupe de Sousa. Le public était essentiellement blanc et il est difficile de déterminer le réel impact de ces musiques sur les Africains. Peut-être le vaudeville et le jazz n'atteignirent-ils toutes les couches de la population que dans les années 1920 et 30, avec l'avènement du cinéma et de l'industrie discographique.

 

Toujours est-il qu'au tournant du siècle, deux cent mille travailleurs africains s'entassent dans les petits hôtels et compounds des townships autour de Johannesburg. Ils viennent notamment travailler dans les mines d'or. Un grand centre de la culture de ces townships sera Sophiatown, de plus en plus surpeuplé parce que les travailleurs ne retournent plus vers leurs terres une fois leur contrat venu à expiration. Les influences blanches et afro-américaines pénètrent au cœur de ces ghettos noirs, y répandant une large panoplie de styles, de la rumba aux chants et harmonies des minstrels et autres chanteurs américains en passant par les swing bands. Un des premiers quartets vocaux, les Manhattan Brothers, sera nettement influencé par les Ink Spots et les Mills Brothers, mais ils créèrent, ce faisant, les fondations d'un chant a capella mélangeant éléments empruntés aux hymnes chrétiens, aux jubilee choirs mais aussi aux chants zoulous.

 

Des débits de boisson clandestins, les shebeens, se créent dans des maisons particulières. C'est là que va naître, entre les années 1920 et 30, le marabi, musique simple et répétitive qui sera un des ingrédients du township jazz. Porte de secours de la réalité quotidienne, ces shebeens où l'on vient se soûler au skokiaan, deviennent vite la plaque tournante d'une nouvelle scène musicale. Madikwe Dikobe, dans The Marabi dance, écrit : « quand il pleuvait, la cour (du shebeen) était boueuse comme un enclos de bestiaux et l'odeur de la bière jetée à l'extérieur par les policiers lors de leurs raids se mêlait à celle du lavatory en un cocktail nauséabond ». Tel était le cadre de l'épanouissement d'un autre cocktail, celui des musiques locales.

 

Le marabi fut une des premières nouvelles musiques populaires typiquement sud-africaines. On le joua sur orgues puis avec des orchestres plus étoffés où le saxophone prendra de plus en plus de place, influençant par la suite tous les styles successifs des townships. Un des premiers groupes importants fut les Jazz Maniacs. D’autres jazz bands virent le jour, comme les Harlem Swingsters, les African Swingsters, le Casablanca Orchestra, le Father Huddleston Band. Le style se retrouve plus élaboré dans le jazz très typé de groupes comme les African Jazz Pioneers dont un des créateurs est Edmund Ntemi Piliso qui fut un des artisans essentiels du marabi, notamment dans son groupe Alexandra All Stars. Les bases du marabi sont un des ingrédients que l’on retrouve dans la comédie musicale sud-africaine King Kong des années 50. La rythmique fantastique de ces groupes donne à cette musique un cachet aussi original et important que celui des highlife bands du Ghana. Parfois, on parle de mbombela pour désigner le jazz mâtiné de musiques traditionnelles que certaines formations jouaient dans les années 50 et 60. Miriam Makeba fit partie du spectacle African Jazz and Variety qui jouait notamment cette musique. (Etienne Bours, Africalia)

 

Le marabi de cette époque n’a pas été enregistré, ou très peu, parce qu’il s’agissait d’un mouvement très underground et que les disques en 78 tours étaient très peu courants. Les exemples cités ci-dessous sont plus tardifs mais donnent une idée du style.


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