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Mbube et iscathamiya – chorales zouloues


Solomon Linda et son groupe

Lorsque Henri Salvador et d’autres à sa suite chantent « Le lion est mort ce soir », ils empruntent un air et une thématique à la chanson « Mbube » de Solomon Linda, chanteur sud-africain. Mais mbube est le lion et celui-ci est le symbole du peuple africain écrasé par l’apartheid. L’animal n’est pas mort, il est endormi mais lorsqu’il se réveillera, le peuple sera libéré. Pete Seeger a longtemps chanté le même air sous le titre « Wimoweh », notamment avec son groupe les Weavers. Non content de créditer Linda et de se préoccuper de ses droits d’auteurs, Seeger avait compris l’importance de ce symbole et s’en servait lui-même pour conscientiser son auditoire sur la question de l’apartheid. Il insiste encore sur le fait que le lion est une allégorie pour Chaka, le grand roi zoulou, rappelant que ce type d’allégorie est un phénomène courant dans la chanson populaire, particulièrement lorsqu’il s’agit de lutter et de cacher un message.

 

Cette chanson demeure une étape importante dans l’histoire de la musique sud-africaine. D’autant plus importante qu’elle a donné son nom, mbube, à un style de chant choral qu’on appelle aussi iscathamiya. Les traditions sotho et zouloues étaient riches en polyphonies, divisées entre leader menant un chant de louange ou le récit d’une histoire et le chœur accompagnant ses réponses de danses et de gestes. Sur ces pratiques, vinrent se greffer les musiques américaines et les hymnes religieux, spirituals puis gospels, puisque, comme on l’a vu, des groupes de gospel se produisirent en Afrique du Sud. Dès le début du siècle, un genre musical issu de ces influences a vu le jour parmi les populations urbaines. Des chorales se réunissaient au cours de compétitions hebdomadaires. Dès les années 1920, l’Industrial and Commercial Worker’s Union, principal syndicat sud-africain, s’attache le concours de nombreux chœurs pour chanter sa cause. Le style s’appelle alors izkhunzi, les chanteurs s’expriment dans un registre bas. Reuben Caluza est un des premiers compositeurs célèbres, porte-parole de l’African National Congress, l’auteur mettait ses origines zouloues au service de ses adaptations de ragtime dans la tradition chorale.

 

En 1938, Solomon Linda fut responsable de quelques changements dans l’histoire de ce genre musical. C’est à ce moment qu’il écrit la chanson « Mbube » devenue tellement célèbre qu’elle donnera son nom au chœur sud-africain pendant un certain temps. C’est Joseph Shabalala et son groupe Ladysmith Black Mambazo qui provoqueront l’avènement du style tel qu’il est connu aujourd’hui sous le nom de iscathamiya (de cathama, « marcher en douceur », allusion aux danses souples et délicates des chanteurs). Il revient à un registre de basses et de chaudes harmonies. L’iscathamiya a su garder des caractéristiques de la tradition, il a véhiculé les revendications et les aspirations du peuple et existait déjà tel quel bien avant que Paul Simon ne fasse appel à Ladysmith Black Mambazo pour son disque Graceland. (Etienne Bours, Africalia)


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