Mondorama

menu

Naissance de la musique éthiopienne moderne : orphelins arméniens et swing américain


Pochette de l’album Ethiopian Soul And Groove (série Ethiopiques)
On l’a vu dans le chapitre consacré aux azmaris, la musique, et surtout la profession musicale n’était pas vue d’un bon œil dans la société éthiopienne. Il a fallu une décision impériale pour entamer un changement de mentalité.

Sensible à la pompe et au prestige que pouvait apporter une fanfare militaire lors d’une cérémonie, l’empereur Menelik va, sous l’influence européenne, se doter d’un orchestre officiel. La première étape fut un cadeau du Tsar Nicolas II qui lui fit envoyer une quarantaine d’instruments à vent. La seconde étape fut de trouver à l’ensemble un instructeur européen, le suisse André Nicod dans un premier temps, qui prit en charge l’éducation de l’orchestre de la garde impériale. D’autres professeurs, suisses, polonais, autrichiens, voire italiens, suivront. Mais le premier orchestre officiel sera monté par Kevork Nalbandian, qui forma en 1924 le Brass Band Arba Lijoch (« les quarante enfants »), constitué non pas de musiciens locaux, mais de quarante orphelins réfugiés d’Arménie. Soutenu par l’empereur Haïlé Sellassié, il composera l’hymne officiel du pays et organisera plusieurs autres ensembles, locaux cette fois. Il passera ensuite la main à son neveu, Nersès Nalbandian, qui reprendra la direction de l’orchestre de la Garde impériale, mais également l’orchestre municipal d’Addis Abeba et celui de la Police, ainsi que de plusieurs académies de musique.


La musique prendra une couleur particulière sous sa direction, associant aux modes et aux rythmes traditionnels éthiopiens des apports issus de la musique classique européenne et du jazz américain, réussissant à créer une musique qui était moderne sans être une copie des musiques occidentales. Composées en majorité de cuivres, la plupart des formations vont constituer une « section jazz » pouvant fonctionner indépendamment de l’orchestre pour animer les soirées des grands hôtels et des night clubs qui s’ouvriront dans le pays dans les années 1950. Tous ces ensembles sont strictement étatiques, souvent constitués de militaires ou de policiers, et répondent à des codes très précis d’engagement et de censure. C’est néanmoins au sein de ces fanfares et de ces jazz bands qu’a émergé la grande majorité des figures importantes de la musique moderne éthiopienne : Mahmoud Ahmed, Alémayéhu Esheté, Ayalew Mesfin, Kiros Alémayehu, Muluqèn Melesse, Tlahoun Gèssessè et des dizaines d’autres.


La musique est alors encore réservée à une élite urbaine proche du pouvoir et à ses invités étrangers. La population ne s’intéresse que peu à ce nouveau style, qu’elle observe d’œil intrigué, parfois même désapprobateur. Mais la virtuosité des interprètes et la construction de nouveaux hôtels et night clubs privés dans lesquels ils vont pouvoir se produire, dans des circonstances moins pesantes, plus détendues, vont lentement faire percoler les genres nouveaux jusqu’aux jeunes générations. (BD)


À PointCulture

Nous utilisons des cookies pour améliorer l’expérience utilisateur et analyser le trafic sur notre site web. En cliquant sur “Accepter tous les cookies“, vous consentez à l’utilisation de cookies sur notre site web.