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Néo-roots, néo-trad, le Ghana aujourd’hui


Oy (photo de presse de Sash Seurat Samson)

Depuis la fin des années 1990, le paysage musical ghanéen s’est considérablement diversifié. Après un passage à vide durant lesquels les églises évangélistes avaient remplacé les salles de spectacle, et où soixante pour cent de la production musicale était composé de musique religieuse, le pays connaît aujourd’hui un renouveau. Outre l’intérêt à l’extérieur, notamment en Europe, pour le highlife historique, qui a permis à de nombreux artistes de faire un comeback sur les scènes, de nombreux musiciens se tournent actuellement vers les traditions locales du pays.

 

Si le paysage urbain est plutôt tourné vers le hiplife et ses variantes contemporaines comme la musique à haute vélocité qui accompagne la dance azonto, de nombreux groupes ou artistes cherchent dans le patrimoine régional, les instruments traditionnels, les cultures locales, d’autres formes d’inspiration, moins cosmopolites. Pour certains il s’agit d’une redécouverte et d’une défense des folklores, souvent soutenus par les ensembles musicaux et les troupes de danse des centres culturels officiels. Les percussions cérémonielles, le tambour kpalongo et les flûtes sont remises à l’honneur par des groupes issus des écoles de musiques, des universités, ou soutenus par l’expansion du tourisme. Chacune des différentes cultures est à présent étudiée et préservée par des formations « roots » néo-traditionnelles.

 

Pour d’autres par contre, ce retour aux sources est motivé par le désir d’une musique moins commerciale, plus authentique. À l’opposé des célébrations du luxe capitaliste (voitures, villas, piscines, etc.) qui caractérise trop souvent la pop ghanéenne, c’est une musique plus engagée, plus politique. C'est le cas notamment de King Ayisoba. Celui-ci est un des principaux représentants de la nouvelle génération d’artistes du nord du pays, qui ont trouvé dans la culture frafra et dans un de ses instruments traditionnels, le kologo, un luth à deux cordes, une nouvelle voix. Il prend appui sur ces éléments pour adresser son discours aux puissants et aux faibles. Il se définit comme un prêcheur politique, et voudrait être pour le Ghana ce que Bob Marley a été pour la Jamaïque.

 

Cette vocation néo-traditionnelle n’est toutefois pas à opposer à la modernité et beaucoup de musiciens pratiquent une musique hybride associant instruments acoustiques anciens et technologies modernes. Le label Sahel Sounds a publié une anthologie intitulée Kologo Power qui montre diverses utilisations de l’instrument en version acoustique ou bien accompagné de synthétiseurs et de boîtes à rythmes. King Ayisoba est produit par Zea, ex-membre du groupe hollandais The Ex, et a travaillé avec Lee « Scratch » Perry et Mad Professor, ainsi qu’avec M3nsa et Wanlov The Kubolor du duo ghanéen inclassable Fokn Bois. Ces derniers, qui pratiquent un rap irrévérencieux, chanté en pidgin, bousculant les tabous de la société ghanéenne - entre autres au sujet de l’homosexualité - développent des films musicaux, mélangeant clips et comédie, commentaire et documentaire.

 

Parmi les succès improbables produit par l’appétit occidental pour la nouveauté, le groupe Fra Fra, un trio spécialisé en chants funèbres échevelés, a publié chez Glitterbeat un disque qui a fait découvrir les traditions funéraires du nord. Rustique et sauvage, il est à l’opposé de la sophistication artificielle des productions commerciales.

 

On peut également citer, parmi les outsiders, le duo OY, composé du producteur et batteur Lleluja-Ha et de la chanteuse et musicienne suisso-ghanéenne Joy Frempong. Issus de la diaspora, ils apportent un regard différent, « à moitié extérieur » sur le pays et les field-recordings qu’ils utilisent dans leur musique prennent parfois une valeur documentaire autant que musicale. (BD)


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