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Musiques d'aujourd'hui – éléments de lutte


Depuis les années 2000, la musique égyptienne populaire a pris un nouveau tournant. Fortement influencée par le monde occidental, elle a intégré l’instrumentation électronique et a adopté avec le plus grand abandon la passion des vocaux trafiqués à l’auto-tune, tout en les mélangeant aux mélodies et rythmes du baladi ou des musiques de danse du ventre. Issu principalement des banlieues des grandes villes, comme Salam City, à côté du Caire, ce nouveau style s’est développé dans le circuit très vivant des fêtes de mariage, remplaçant progressivement le shaabi plus classique. Il a très vite été perçu comme un vent d’air frais par rapport à la musique commerciale officielle et aux musiciens payés pour chanter les louanges du régime Moubarak.

 

Musique de simple divertissement au départ, elle prendra une autre dimension lors du Printemps Arabe de 2011, qui marque le moment où les peuples de différents pays d'Afrique du Nord ont exprimé leur overdose des régimes autoritaires, des arrestations arbitraires, de la corruption... Comme dans de nombreux autres pays, la musique a joué un rôle important dans l'expression des revendications. Durant 2011, la Place Tahrir a accueilli des musiciens aussi divers que des joueurs d'oud dans un style folk ou des rappeurs aux textes sociaux et critiques. Parmi ceux-ci, deux artistes ont eu un rôle important. El Tanbura, ensemble connu pour son interprétation des musiques traditionnelles de la région de Port-Saïd a adapté et rejoué les morceaux composés en 1956 après la nationalisation du Canal de Suez et l'opération militaire qui a suivi. Ramy Essam, un simple étudiant avec une guitare, a composé une chanson qui devient un des hymnes de la révolution, "Irhal, irhal" (Pars, pars).

 

Plusieurs nouveaux styles ont vu le jour durant cette période. Le plus récent d’entre eux, nommé « maghranat » (littéralement musique de festivals) ou 'electro-shaabi', s'inspire ouvertement du r'n'b et de la techno, mais aussi du reggaeton, du grime, du shaabi, du dancehall et même de la musique soufi. Ahmed Farid aka DJ Figo est un des créateurs de cette musique, qui n'est ni vendue en magasin ni jouée à la radio. Comme dans beaucoup d'autres pays africains, elle est composée à la maison sur un simple laptop puis diffusée à des millions d'auditeurs par l'intermédiaire des téléphones portables. Les représentants les plus connus du genre sont Oka Wi Ortega, Amr Haha, Filo, Sadat, Islam Fanta ou encore Alaa Fifty Cent. Le genre a été popularisé par le magazine underground Audio Kultur, le Cairo Liberation Front et le blog Generation Bass. Il se caractérise par des rythmes frénétiques, et des textes contestataires et souvent ironiques. Si le slogan de la révolution était "Al-sha'b yrid isqaat al-nizam !" (Le peuple veut destituer le régime !), Figo l'a ainsi transformé en "Al-sha'b Yurid Khamsa Genei Raseed" (Le peuple veut un crédit téléphonique de cinq livres).

 

En marge de la scène electro-shaabi, une nouvelle génération de musiciens poursuit la fusion de la musique populaire égyptienne avec l’électronique. Kairo Is Koming est par exemple un collectif de musiciens et de producteurs rassemblant Ismael, Bosaina, $$$Tag$$$, Zuli, N//A\\A et Hussein Sherbini. On doit également citer l’excellent claviériste virtuose Islam Chipsy qui se produit en trio avec deux batteurs sauvages sous le nom de EEK, et produit une des musiques les plus novatrices du genre.

On peut également signaler l’existence d’une très importante scène rap, notamment à Haram et Shobra, deux quartiers du Caire, où un grand nombre de jeunes artistes ont émergé en quelques années. La scène hiphop et l’electro-shaabi font parfois un peu figure de frères ennemis même si des passerelles sont parfois jetées entre les deux. Ainsi un des meilleurs rappeurs égyptiens, Abyusif, a collaboré avec Hussein Sherbini. (BD)


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