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Baile funk, une musique électronique sans concessions


Vu de notre petite Europe politiquement correcte, le baile funk est l’antithèse totale de la bossa nova et de la délicatesse et de la poésie de la musique brésilienne des années 1960. Criée quand celle-ci était susurrée, parlant de sexe là où l’on parlait d’amour à demi-mot, c’est une musique de danse sans concessions, lourde et crue, qui ne s’embarrasse pas de finesse. Pour certains c’est l’enfer, la preuve tangible d’une effroyable dégringolade des mœurs. Pour d’autres, c’est juste l’envers du décor, si la bossa est née dans les beaux quartiers de Rio (la zona sul), le baile funk ou funk carioca comme on l’appelle en réalité là-bas, est né sur les hauteurs de la ville, dans les favelas. Violent, vulgaire, machiste (quoique les femmes y prennent de plus en plus de place et, comme dans le R’n’B, le disputent aux hommes en tchatche et en gaillardise), le funk carioca n’a décidément pas bonne réputation.

Né dans des circonstances qui rappellent la naissance du reggae, le funk carioca est issu des sound systems qui animaient les bailes funk, des soirées dansantes en plein air, où les DJ mixaient des disques de funk américains, tandis que des MC se succédaient pour parler d’eux, de leur quartier, et de sexe. Appelé funk brésilien par habitude, le genre a pourtant radicalement changé avec l’importation d’autres genres musicaux américains, et surtout, il y a une dizaine d’années, avec la découverte par les Cariocas (les habitants de Rio) d’un nouveau genre venu du Sud des États-Unis : le Miami bass, un mélange d’électro et de rap, avec un son énorme et de très très grosses basses. Assimilé, phagocyté, cannibalisé, le genre est aujourd’hui méconnaissable; les basses sont toujours bien présentes, mais aux rythmes basiques de l’électro sont venus s’ajouter des rythmes plus brésiliens, issus de la samba ou de la batucada, et aux sons des boîtes à rythmes sont venues se greffer des samples de percussions traditionnelles. Quasi entièrement dirigée vers les bailes funk du weekend, la musique est calibrée pour une efficacité maximale, les rythmes sont frénétiques, effrénés comme un carnaval, les samples sont soit des éclats scandaleusement reconnaissables de tubes internationaux, soit des loops de fanfares obscures. Mais pour les bailes, les musiciens continuent avant tout à répondre à l’urgence : remplir à ras bords chaque morceau d’énergie animale et faire danser, immédiatement, à tout prix, comme s’il n’y avait pas de lendemain.

(d'après le texte de Benoit Deuxant dans le Parcours Brésil, avec une discographie plus complète)


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