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Capoeira, art martial et musical


Capoeira (Photo de Romerito Pontes, via Wikipedia)
L’histoire de la capoeira, cette danse qui est également un art martial, est directement liée à l’histoire de l’esclavage au Brésil. Elle a été inventée et développée dans les quilombos, les villages fondés par les esclaves marrons, échappés des plantations.

Le Brésil est aujourd’hui célébré comme un exemple rare de métissage réussi de populations d’origine européenne, amérindienne et de descendants d’anciens esclaves africains. Il faut toutefois rappeler les sinistres conditions qui ont amené à ce mélange des populations et des cultures. Dès le début de leur occupation du territoire, les Portugais entament l’exploitation des nombreuses ressources du pays, ils ont pour cela besoin de main-d'œuvre, et de préférence servile. Ils renoncent rapidement à utiliser la population indienne qui n’a que peu de notions en agriculture et, surtout, connaît suffisamment le territoire pour échapper à ses oppresseurs, et décident par contre d’importer des esclaves noirs depuis leurs comptoirs coloniaux en Afrique. C’est peu dire que l’esclavage au Brésil fut dur et cruel, les conditions de vie et de travail étaient tout simplement épouvantables pour ceux (un sur quatre) qui avaient survécu à la traversée.


Contrairement aux États-Unis, la population d’esclaves était proportionnellement très importante, atteignant 30 à 40% de la population totale du pays. Répartie sur tout le territoire, cette classe captive était traitée de manière fort diverse selon les régions. Mais une chose était la même partout : les fugitifs étaient punis très sévèrement. Battus, fouettés, quelques fois mutilés, ils se voyaient généralement imposer le célèbre collier de fer, à la fois punition, carcan et avertissement aux autres candidats à la fuite.


Néanmoins, de nombreux esclaves parvinrent à s’échapper et formèrent des communautés rebelles, appelées quilombos, profitant de l’étendue du territoire brésilien pour établir, parfois très loin des villes portugaises, de véritables nations indépendantes. La plus célèbre d’entre elles, le quilombo de Palmares, résista plus d’un siècle au pouvoir colonial et son chef, Zumbi, est encore vénéré trois siècles plus tard comme une figure capitale par les adeptes de la capoeira. Ce quilombo, situé à l’intérieur des terres, dans l’actuel état d’Alagoas, entre Bahia et le Pernambouc, possédait plusieurs villages, un gouvernement centralisé, et recouvrait une superficie de la taille du Portugal. On dit qu’il accueillit jusqu’à 30.000 personnes : esclaves noirs en fuite, mais aussi Indiens, Portugais fuyant le service militaire forcé, etc.


Aujourd’hui il subsiste 3500 quilombos recensés (on pense que leur nombre est en fait plus proche des 5000), dont les habitants, près de deux millions de personnes, tous descendant(e)s d’esclaves marrons, poursuivent le combat pour leurs droits, longtemps après l’abolition de l’esclavage, et doivent à présent se battre pour leurs droits territoriaux. Ces droits, pourtant reconnus par la Constitution brésilienne depuis 1988, sont contestés par les grands propriétaires terriens locaux (les fazendeiros) qui lorgnent leurs terres et retardent ou menacent leur reconnaissance dans la société brésilienne.


Un des héritages les plus étonnants de ces colonies d’esclaves marrons est la capoeira. À la fois danse, musique et sport, elle fait remonter ses origines à l’art martial que pratiquaient les esclaves pour affronter, à mains nues, les Portugais. Inspiré des techniques de combat des royaumes africains, cet art de guerre aurait été par la suite déguisé en danse, ou en jeu, pour tromper les maîtres esclavagistes et permettre aux esclaves de s’entraîner à lutter sous couvert de musique et de chants. Il aurait été l’arme secrète des esclaves libérés, et aurait permis la survie des quilombos.


La tromperie, la feinte, la malicia sont une part intégrante de la capoeira qui se distingue des autres arts martiaux par son côté ludique et souvent acrobatique, ainsi que par son accompagnement musical. Les combats, fortement codifiés, se déroulent au centre d’une roda, une ronde que forment les participants et les musiciens, entourant les deux partenaires, qu’ils encouragent par leur chant et leur musique. Celle-ci est centrée autour du berimbau, qui dirige la roda. Il s’agit d’un arc musical, à une corde, dont la caisse de résonance est une calebasse. Un premier berimbau, le plus grave, contrôle la musique ; il commence seul et est progressivement rejoint par d’autres instruments, généralement deux autres berimbaus, puis des percussions (atabaque, pandeiro et agogo) et enfin le chœur des participants, qui répond aux solos du mestre.


Aujourd’hui, la capoeira est un des aspects de la culture brésilienne qui « s’exporte » le mieux et l’on peut espérer qu’elle pousse ses adeptes à s’intéresser également à ses origines historiques. Qu’elle soit envisagée comme un sport, une danse ou qu’à l’instar du taï-chi-chuan chinois, elle soit pratiquée sans aucune notion de sa finalité martiale, la capoeira reste un symbole de la culture afro-brésilienne, ce qui lui a valu d’être reconnue par l’UNESCO comme Patrimoine culturel immatériel de l'humanité. (Benoit Deuxant)  


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