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Jaipongan – une danse galante transformée en forme artistique respectée


Tati Saleh

Le jaipongan est une musique et une danse popularisée à l’ouest de Java dans les années 1970. Comme le degung kawih, il fait partie d’un ensemble plus grand souvent appelé pop sunda. Il est à l’origine lié à une danse d’origine villageoise, le ketuk tilu (également à la base de la danse bajidor), plutôt mal vue par la bonne société. Cette danse est en effet accusée d’être le prétexte à toutes sortes de débordements parce qu’elle permet aux femmes et aux hommes de danser ensemble et est souvent interprétée par des prostituées (ronggeng) qui invitent des hommes parmi le public. Le style emprunte également des éléments au kliningan, un style régional de gamelan, au pencak silat, un art martial et aux percussions du théâtre topeng banjet.

 

Un producteur de disques et chorégraphe, Gugum Gumbira Tirasondjaja, prétend être l’inventeur du jaipongan, élaboré comme une version épurée du ketuk tilu. Encouragé par la demande du président Sukarno de rejeter les musiques occidentales comme la pop et le rock, et de développer des musiques purement indonésiennes, il a élaboré un genre moderne et urbain, plus rapide, plus sensuel, susceptible de plaire à la jeunesse. En réalité, il n’est pas le seul à avoir contribué au développement du style, d’autres comme notamment le batteur virtuose Suwanda ou le musicien Nandang Barmaya ont également joué un rôle très important.

 

Le genre a été favorisé par l’explosion du marché des cassettes audio dans les années 1970 et 1980. Moins chères à produire et plus accessibles pour le public, elles ont permis l’éclosion de maisons de productions spécialisées comme Jugala, le label cassette de Gugum à Bandung, ou encore Hidayat. La cassette a également sorti la danse du contexte formel ou social, en permettant aux gens de danser chez eux ou dans des fêtes de plus petite ampleur.

 

Les femmes ont un rôle important dans le jaipongan même si leur comportement est très surveillé. Le rôle traditionnel de chanteuse-danseuse est ici réparti entre deux personnes, ou entre deux groupes, les vocalistes d’une part, et des danseurs et danseuses d’autre part, suivant une chorégraphie rigoureuse qui suscitera toutefois la controverse et sera l’objet de demandes d’interdiction répétées par les moralistes. Tati Saleh, notamment, une des rares artistes à la fois danseuse et chanteuse, s’est attiré les foudres des censeurs pour des danses jugées trop « érotiques ». La seconde vague de jaipongan sera plus sage. Idjah Hadidjah, par exemple, échappera aux critiques en grande partie parce qu’elle se produisait accompagnée de son mari, et qu’elle évitait soigneusement de danser.

 

Le jaipongan utilise généralement une instrumentation basée sur un petit orchestre de gamelan slendro (contrairement au degung kawih où le gamelan est accordé en mode pelog) hérité du ketuk tilu. Celui-ci se composait traditionnellement de trois gongs horizontaux à mamelon mais Gumbira a élargi l’orchestre à une formation plus importante comprenant violon rebab, xylophone gambang, et quelques gongs supplémentaires, accompagnés de percussions kendang. Quoique d’origine récente, le jaipongan est souvent considéré en Indonésie comme un style « traditionnel », pour son instrumentation et son inspiration résolument sundanaise. Le genre est passé du stade de réprouvé, suspect, à celui d’atout culturel, commercial et touristique. (Benoit Deuxant)


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