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Kurdistan : bardes, ménestrels et conteurs


Arsalan Kamkar au barbat – photo de KaveKiani (via wikicommons)
Plus qu’une simple forme régionale de la musique persane, la musique du Kurdistan iranien puise dans une histoire plusieurs fois millénaire et est aujourd’hui un élément important de l’identité kurde.

L’existence du peuple kurde et de son territoire remontent à la préhistoire. On trouve des références au « pays des Kurdes » à travers toute l’Antiquité, des Sumériens aux Romains. C’est en 1150 qu’un roi seldjoukide, le sultan Sanjar, emploie pour la première fois le nom de Kurdistan pour désigner une province. Après l’effondrement de l’Empire ottoman dans les années 1920, le Kurdistan est divisé et soumis à la domination des nations de la région : la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. La plupart de ces pays vont réprimer durement toute velléité indépendantiste du peuple kurde, certains allant jusqu’à interdire et pourchasser sa langue et sa culture.


La situation des Kurdes est très différente selon les régions, et selon les époques. Ainsi, après avoir été soutenus puis combattus par Saddam Hussein, les Kurdes irakiens jouissent aujourd’hui d’une certaine liberté dans une région autonome, au nord-ouest du pays, tandis que le Kurdistan turc alterne soulèvements et répression. Le cas de l’Iran est également complexe : s’il tolère la défense et la diffusion de la langue et de la culture kurde, il en interdit rigoureusement toute expression politique.


La musique traditionnelle kurde a pour origine un contexte tout à fait différent de la vie actuelle de la population. Elle fait référence à une époque où cette culture était avant tout rurale, en partie nomade, et souveraine. Ainsi la musique des bardes (dengbej, au service de l’aristocratie) et des ménestrels (stranbej, musiciens du peuple), et les textes des conteurs (çirokbej), se basent sur les épopées de figures historiques souvent très anciennes, et étaient autrefois interprétés pour le divertissement des cours féodales. Ce répertoire, auquel s’ajoute une tradition du chant d’amour, généralement malheureux, et de poésie érotique, est aujourd’hui encore soigneusement préservé et maintenu en vie. Les mélodies sont chantées avec beaucoup d’expressivité, en accentuant encore le tahrir, le trille caractéristique de la musique persane, parfois jusqu’à une forme de chant harmonique.


Une autre part importante de la musique kurde est la musique des villages : chants de travail, musiques et danses de fête, musique des mariages et des enterrements. Principalement vocale, elle est accompagnée d’instruments comme le hautbois zurna, la flûte boor et le ney shimsal, et de diverses percussions – le tambour sur cadre daf, le tambour dhol etc. – auxquelles s’ajoute parfois le balaban (équivalent du duduk en Arménie), le tanbur (proche du saz), le barbat (proche de l’oud) et la lyre kamânche.  


La musique religieuse, outre celle de l’islam, centrée sur la cantillation, et celles des rituels soufis, est également caractérisée par celle des cultes zoroastriens et celle des Yazidis et des Yarsani. Si le zoroastrisme est également pratiqué en Inde, les deux autres minorités religieuses sont principalement d’origine kurde.


La musique savante comme populaire utilise des modes, ou maqam, similaires à ceux de la musique persane avec une très nette préférence pour le mode dit kurdi, proche du mode dorien. La musique kurde établit moins de distinctions que celle de l’Iran entre musique savante et populaire.


La survie de la musique kurde est une question éminemment politique, et elle se diffuse avant tout selon une transmission orale, même si aujourd’hui la région autonome kurde en Irak possède des stations de TV et de radios soutenant la langue et la culture kurde. Les autres régions se tournent elles vers les radios pirates ou aujourd’hui, vers l’internet.


Parmi les musiciens importants du Kurdistan iranien, il faut citer Hassan Kamkar et ses enfants, Sharam Nazeri, le chanteur-compositeur Said Asghar Kurdistani, les poètes Abbas Kamandi et Hassan Zirak, les chanteurs Hama Mamlê et Shariz Shahrokh, et parmi les artistes les plus récents : le joueur de tanbur Ali Akbar Moradi, et le joueur de kamânche Kayhan Kalhor. (BD)


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