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Musique classique persane, la forme savante


Miniature persane du 16e siècle (Collections du Smithsonian Institute)
La musique classique persane est parmi les plus anciennes au monde, mais elle n’a été définitivement codifiée que récemment. Son répertoire, le radif, est principalement vocal et modal.

Les origines de la musique persane, comme celles de la civilisation qui l’a créée, plongent leurs racines dans la plus haute antiquité. Elle remonte aux plus anciennes sociétés et cultures de la région, les Mèdes, les Perses Achéménides, les Parthes. La musique de ces peuples ne nous est pas parvenue, mais des textes, des images, des bas-reliefs, attestent de la présence de musiciens dans les anciennes cours royales et dans les rituels religieux zoroastriens.


Les musiques les plus anciennes à avoir été conservées remontent à la période de l’Empire sassanide, la dernière dynastie impériale perse ayant existé avant la conquête arabo-musulmane de l’Iran au 7e siècle. C’est de cette époque que date la première codification du système musical modal qui est encore utilisé de nos jours. Malgré l’attitude ambivalente de l’islam envers la musique, les régimes suivants ont continué à soutenir les compositeurs, notamment durant l’âge d’or du califat abbasside de Baghdâd, et de nombreux savants musulmans, d’Avicenne à Al-Farabi, ont écrit sur la musique.


L’ensemble de ce qui est aujourd’hui considéré comme la musique traditionnelle persane, la musique dite « classique » ou « savante », repose sur un corpus établi entre la période médiévale et le 19e siècle. Ce répertoire, appelé radif est à la fois fixé, comportant un nombre limité d’éléments rythmiques et mélodiques, et variable presque à l’infini par le choix et l’association de cellules musicales prédéfinies. Il a été codifié sous le règne de la dynastie Kadjar (entre 1789 et 1925). Il existe différents radifs selon les instruments, et selon les compositeurs.


Le répertoire radif est divisé en douze dastgahs (sept modes fondamentaux et cinq dérivés), avec plus de deux cents courtes mélodies (gusheh), chaque gusheh et chaque dastgah a un nom propre. Un morceau comporte traditionnellement un pishdaramad (une forme de « pré-introduction »), un daramad (l’« introduction » proprement dite), un tasnif (chanson), un chahar mezrab (séquence rythmique) et un nombre défini de gusheh. La question de la nature improvisée ou non de la musique persane est difficile à trancher. Les musiciens ont en effet une relative liberté dans le choix et l’ordre des gusheh mais ces mélodies sont généralement préexistantes. Toutefois ce cadre fixe est souvent décrit comme un cadre à remplir, et il laisse à l’interprète une grande latitude dans les décisions qu’il doit prendre.


On considère souvent que la musique persane est basée sur des quarts de ton. S’il est exact qu’elle divise les notes bien au-delà de la gamme des douze tons de la musique occidentale, ses intervalles sont plus variables et complexes que le simple usage des quarts de ton. Il existe de plus une forme d’ornementation qui vient encore brouiller les pistes : le tahrir est ainsi un trille, une succession hoquetante de notes proches d’une note choisie, produisant un effet de vibrato rythmique et mélodique qui souligne la virtuosité de l’interprète.


La musique classique persane est avant tout vocale, et est restée fidèle à ses origines religieuses voire mystiques. Les textes des chansons sont tirés d’écrits religieux classiques, auxquels se sont ajouté au fil du temps les œuvres de poètes mystiques comme Rumi (1207-73) ou Hafez (1325-90).


Malgré ces références religieuses, il existe dans la société iranienne une tension entre l’amour de la musique et sa critique, voire sa condamnation, par l’islam. Selon l’écrivain Jean During, auteur de plusieurs ouvrages sur la musique persane, ce rejet par les croyants les plus rigoristes et traditionnalistes a une double origine. La première est l’association historique de la musique avec les cabarets, lieux de débauche où on consomme de l’alcool. Ce rapprochement était également décrié dans le cas de la musique des cours aristocratiques, souvent accusées elles-aussi de ne pas respecter les préceptes de la religion. La seconde raison est l’accusation faite à la musique de produire des effets déplorables sur l’auditeur, le ramollissant ou au contraire le remplissant de passion. Cet argument, déjà présent dans l’antiquité grecque chez Platon, fait que la musique est généralement vue comme dans le meilleur des cas un divertissement sans valeur, et dans le pire, une perversion à interdire. Les rares artistes qui osent se dire musiciens professionnels font ainsi l’objet d’un certain dédain même s’ils revendiquent la part savante ou mystique de leur activité. (BD)


(Les artistes et les instruments de la musique persane seront développés plus amplement dans les articles suivants.)


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