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Cultes africains et tambours: persécution et libération


Tambour batà - une photo d'Antonio via flickr

Les percussions sont aujourd’hui considérées comme un élément indissociable de la musique afro-cubaine. L’histoire de leur arrivée et de leur survie dans l’île est pourtant loin d’avoir été simple. Elle est au contraire jalonnée de tentatives de les faire taire à jamais et le métissage musical que nous connaissons de nos jours ne s’est pas fait sans douleur.

 

Contrairement aux esclaves africains qui avaient été transplantés aux Etats-Unis, ceux qui avaient auparavant été emmenés à Cuba et dans le reste des Caraïbes avaient été autorisés à emporter leurs instruments de musique, notamment leurs tambours. Il avait même été toléré qu’ils en jouent lors de célébrations dont les maîtres étaient incapables de dire si elles étaient rituelles ou festives. Cette tolérance diminua grandement au fil du temps, sous l’influence de plusieurs facteurs. L’Eglise catholique s’acharna à interdire l’expression de toutes formes de religion africaine, dont les tambours étaient à la fois une composante et un symbole. La révolution en Haïti voisin (anciennement La Hispaniola, rebaptisée Saint-Domingue par les Français) et la défaite sanglante des colons blancs a également marqué les esprits, qui se souviendront du rôle guerrier que les tambours y ont joué. Enfin, l’occupation américaine, à peine déguisée en politique protectionniste, a vu l’importation à Cuba des lois racistes en vigueur aux Etats-Unis et a continué de marginaliser la population noire et d’en réduire les moyens d’expression.

 

Des siècles durant, les tambours ont été avant tout joués par les noirs à l’écart des blancs. C’est surtout le cas des percussions rituelles utilisées dans les différentes religions africaines dont la pratique a survécu à Cuba. Parmi les populations déracinées du continent africain, plusieurs cultes ont été préservés, parfois en secret pendant la période de l’esclavage, puis dans la plus grande discrétion après son abolition.

 

Certains esclaves avaient été christianisés ou islamisés avant leur enlèvement, mais beaucoup ont conservé leurs religions d’origine. De nombreuses divinités africaines ont été honorées sous le déguisement de saints catholiques et leur culte a donné naissance à une forme cubaine de syncrétisme religieux. D’autres cultes ont au contraire conservé leur forme traditionnelle, notamment grâce à l’institution des cabildos, sociétés d’entraide des esclaves organisées selon leur ethnie d’origine. Il en existe plusieurs types, correspondant à des cultes différents : les Lucumi (ou Yoruba, provenant du Nigéria et du Bénin actuel) pratiquent la Regla de Ocha ou Santeria, les Congos (provenant d’Afrique centrale) le Palo, (également appelé las Reglas de Congo), les Fon et Ararà (de l’ancien royaume du Dahomey) la Regla de Arará. Il faut de plus mentionner des sociétés secrètes comme les Abakuas, fraternités initiatiques originaires de l’ancien territoire de Calabar, exclusivement masculines et comparables à une forme africaine de franc-maçonnerie. Les esclaves emmenés à Cuba par les réfugiés français fuyant la Révolution haïtienne de  1791-1804 importeront également le vaudou.

 

Toutes ces religions faisaient un usage important des percussions lors des cérémonies rituelles et les tambours étaient des objets sacrés, qui établissaient le lien entre les hommes et les divinités, entre les vivants et les ancêtres. Certains de ces instruments ont effectué la traversée de l’Atlantique, mais la plupart ont été construits sur place, à Cuba, et ont été consacrés par la suite. Ils accompagnent des chants et des danses dont la forme a souvent été mieux préservée qu’en Afrique, où ils ont poursuivi une autre évolution. Ces tambours, principalement de type iyesa, bembé ou batà, vont généralement par groupe de trois, et peuvent être accompagnés d’autres percussions plus petites, güiros, chekerés, guataca, etc. Certains au contraire, comme les tambours à friction ekwé ou kinfuiti (lointains parents de la cuica brésilienne) doivent être dérobés aux regards non-initiés, et sont joués derrière un paravent ou dans une pièce séparée. Tous ces tambours sont parfois joués hors du contexte cérémoniel; ce sont alors des instruments différents, non-consacrés qui sont utilisés, et les rythmes interprétés sont eux aussi différents. (BD)


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