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Musiques d'origine européenne: de la contredanse au danzon


Antonio Maria Romeu

La société coloniale possédait ses propres musiques et traditions et était friande de bals. Plusieurs styles voient le jour au fil du temps, intégrant des influences venues d'Europe. La contredanse, une danse à figures très populaire dans les cours du vieux continent, est connue à Cuba dès le milieu du 18e siècle. Elle y aurait été apportée par l'intermédiaire des colons hispaniques et anglais. Suite à la révolution haïtienne de la fin du 18e siècle, les colons français fuient l'île et amènent un autre type de contredanse déjà créolisée. Cette forme se caractérise par des nouveautés rythmiques, le tresillo et le cinquillo, des groupes de notes syncopées sur le temps fort. Elle prend alors le nom de contradanza.

 

La danse se répand dans les salons coloniaux et de nombreux ensembles musicaux sont créés. Ceux-ci incluent souvent des gens de couleur – noirs et mulâtres qui apprennent à jouer les instruments occidentaux. Leur intégration dans les orchestres signifie souvent une possibilité d'ascension sociale. Au cours du temps, la forme de ces orchestres se fixe. Les orquestas tipicas s'inspirent des fanfares militaires: ils sont généralement constitués de violons, de clarinettes, d'une contrebasse, de timbales et d'un güiro, d'un cornet, d'un trombone et d'un ophicléide (un instrument à vent aujourd'hui tombé en désuétude). Ces derniers cuivres dominent, masquant souvent les autres instruments. Parallèlement à ces ensembles relativement bruyants, il existe un répertoire joué au piano, écrit par des compositeurs comme Ignacio Cervantes (1847-1905) et Manuel Saumell (1817-1870).

 

Dans la seconde moitié du 19e siècle, les figures imposées de la contradanza disparaissent et sont remplacées par une danse en couple improvisée. D'abord considéré comme trop africain, trop lascif et diabolique, le nouveau style nommé danzón parvient cependant à séduire les blancs de la haute société dans les années 1880. Il mélange des rythmes africains à des éléments mélodiques issus de la contredanse européenne. Les divers instruments étaient mis à l'honneur tour à tour dans les différentes sections composant le morceau tandis qu'un thème récurrent apportait une certaine unité. A la même époque voient le jour à travers tout le continent américain des styles qui font écho au danzón, du tango au ragtime. La habanera est une autre émanation de la contradanza, plus lente, et accompagnée de chant.

 

Les compagnies américaines de gramophone se ruent sur le marché cubain et font de nombreux voyages à La Havane à partir de 1905-06 où ils enregistrent les orquestas tipicas en vogue. Ceux-ci sont assez proches à cette époque des groupes de jazz de La Nouvelle-Orléans, utilisant le même type d'instruments, les musiciens voyageaient régulièrement entre le sud des Etats-Unis et les Caraïbes.

 

Dans les années 1910, les orquestas tipicas sont progressivement remplacés par des formations moins bruyantes, plus proches des orchestres de chambre, ajoutant piano et flûte au violon, güiro et timbales et supprimant les cuivres. Le pianiste Antonio María Romeu popularise les ensembles de ce type, nommé orquesta francesa ou charanga francesa, créant son groupe en 1911. Il compose d'innombrables danzón, tout comme José Urfe et Enrique Jorrín, également actifs à La Havane dans les premières décennies du 20e siècle. Les deux styles, l'un plus calme et élégant et l'autre plus cru, plus enlevé coexistent pendant un moment. Dans les années 1920, le style entre en concurrence avec le son et sa popularité fluctue mais il restera sur le devant de la scène jusqu'aux années 1940. La suite de l'histoire se retrouve dans le chapitre consacré aux grands orchestres. (ASDS)


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