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Son et son montuno: l'âge d'or des années 1920-50


Sexteto Habanero

Au fil du temps, les styles comme le changüi ou le nengón se sont transformés et ont créé un genre nouveau, le son. Il est également issu du métissage des formes européennes et africaines et est caractérisé par un rythme binaire syncopé. Il est joué à guitare, au tres et à parfois la contrebasse, ainsi qu'aux percussions bongos, güiro, maracas et clave. Ce dernier instrument qui ne se retrouve pas dans le changüi est une des caractéristiques premières du style. Le chant est marqué par l'alternance entre un refrain chanté par le chœur et l'improvisation d'un soliste mais il existe d'infinies variations dans cette structure responsoriale qui rappelle les chants africains.

 

Né dans la région de l'Oriente, le son se propage d'abord à Santiago de Cuba où il prend le nom de "son montuno" – des montagnes – , puis à La Havane, notamment par l'intermédiaire de l'armée cubaine qui envoie les soldats en garnison loin de leur région natale pour éviter trop de fraternisation avec les populations locales en cas de répression mais aussi par les mouvements des journaliers à l'intérieur de l'île, selon les besoins de main-d'œuvre pour les différentes récoltes ou les constructions. Ce "montuno" devient aussi le nom d'un passage précis dans le morceau qui comprend deux parties: une introduction chantée (ou plusieurs) suivie de la partie "montuno" dans laquelle le chanteur, le sonero, se voit répondre par un chœur qui chante le refrain.

 

A La Havane, le son prend une nouvelle forme, évoluant au rythme des innovations des musiciens et orchestres et est diffusé à l'extérieur du pays par l'intermédiaire de la radio et du disque. Les premiers enregistrements ont lieu à New York en 1917 pour Columbia, suivis de ceux de RCA-Victor à La Havane en 1918.

 

Le son est encore mal considéré à cette époque. Musique de bas étage, elle sert à animer les fêtes de quartier et il y a de nombreuses condamnations pour "danses immorales", chose qui attire la bourgeoisie locale qui a envie de s'encanailler.

 

Deux groupes jouent un rôle important dans sa popularisation et dans l'introduction de la musique: le Sexteto Habanero et le Sexteto Nacional. Ces groupes favorisent l'introduction de musiciens afro-cubains dans les cercles des classes moyenne et supérieure très blanches. Le Sexteto Habanero se forme en 1919-20 à partir du Cuarteto Oriental et devient en 1927 un septet avec l'ajout d'un trompettiste (Enrique Hernandez, rapidement remplacé par Félix Chappottin). Ce groupe fait date et existe toujours aujourd'hui, enregistrant un vaste répertoire. Il codifie le format instrumental du son: une guitare, un tres, claves et voix, une botija et une marimbula remplacés très vite par une contrebasse, des bongos et des maracas et lui donne une structure plus fixe: introduction musicale dominée par le tres, première partie chantée à plusieurs voix, passage instrumental qui annonce le montuno avec une structure soliste-chœur en question-réponse.

 

L'autre grand groupe, fondé en 1926, est le Sexteto Nacional d'Ignacio Piñeiro, devenant lui aussi rapidement un septet. Il élargit les possibilités musicales et littéraires du genre: le soliste passe au premier plan et la trompette devient très importante. Piñeiro compose et enregistre des morceaux qui mélangent les styles cubains: guajira-son, boléro-son, guaracha-son qui élargissent le répertoire. Le groupe revient sur le devant de la scène au moment du revival du son dans les années 1990, sortant de nouveaux albums.

 

Les groupes se multiplient et se font concurrence; le style connaît un âge d'or jusque dans les années 50. Sous l'impulsion du joueur de tres aveugle Arsenio Rodríguez, les compositions deviennent plus ancrées dans les traditions afro-cubaines. Il ajoute des instruments à son groupe: des congas en premier lieu, puis une trompette supplémentaire, des percussions et un piano. Il change la structure du son, donnant de l'importance au montuno et y ajoutant une partie descarga improvisée. Après son déménagement à New York en 1951, Felix Chappotín reprend son groupe de La Havane. Celui-ci innove en modifiant les arrangements des cuivres, s'inspirant des groupes de swing américains de l'époque. C'est aussi à cette époque que Beny Moré commence sa carrière. Cet excellent chanteur et arrangeur interprétait du son, mais aussi des guarachas, des boléros et même du mambo.

 

Après la révolution cubaine, le son tombe quelque peu dans l'oubli. Il est encore joué localement mais est remplacé par des styles plus modernes, du jazz, puis le songo et la timba. Il faudra attendre les années 1990 pour qu'il connaisse un revival sous l'impulsion de musiciens occidentaux. (ASDS)


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