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Joseph Spence - Pêche à l’éponge et guitare


Pochettes d'albums de Joseph Spence

Une des rares activités des Bahamas à ne pas être liée au tourisme a longtemps été la pêche à l’éponge. Cette activité difficile, et mal payée, a occupé un grande partie de la population pendant de nombreuses décennies jusqu’à ce qu’une épidémie dévaste les bancs des Bahamas et élimine presque définitivement sa population d’éponges dans les années 1930. La population pauvre de la région avait durant ce temps développé une culture musicale propre, faite d’un mélange de chants religieux et de chants de travail, entonnés en mer par les marins et à terre par les femmes qui nettoyaient et préparaient les éponges pour l’exportation. Un air typique de ce style est le morceau « Sloop John B. » repris par la suite par plusieurs artistes américains, comme le Kingston Trio, Jimmie Rodgers ou les Beach Boys. Les hymnes et antiennes chrétiens servaient de base à une forme d’improvisation libre et de chants en rimes uniques, particuliers à l’archipel.

 

C’est dans ce milieu qu’est né le musicien Joseph Spence en 1910, sur l’île d’Andros. Son père était ministre baptiste et pêcheur d’éponge. Le jeune garçon s’initie très tôt à la musique grâce à une guitare que lui offre un oncle de Floride. Lorsque l’activité traditionnelle de la pêche s’écroule, il part à Nassau où il devient maçon et charpentier. Il y rencontre sa femme avec qui il émigre dans le sud des États-Unis dans les années 1940, louant leurs services comme cueilleurs itinérants dans les champs. Il en profite pour élargir son répertoire musical au contact du blues, de la country et des negro-spirituals américains.

 

De retour aux Bahamas en 1946, il reprend son métier de charpentier, tout en animant de sa guitare et de son chant toutes les occasions festives locales, des bals aux fêtes religieuses. S’il ne pense pas un seul instant devenir un musicien professionnel, il est toutefois sollicité régulièrement par ses amis et voisins et on lui demande, à sa plus grande joie, d’improviser à tout moment et en tout lieu.

 

Joseph Spence, héritier d’une tradition locale particulière, l’a développée d’une manière totalement personnelle. Son jeu de guitare extrêmement complexe et virtuose est unique. Sa maîtrise de l’instrument dont il tire des mélodies polyphoniques et des lignes polyrythmiques entremêlées lui permet des contrepoints et des ruptures de rythmes impensables. Son auditoire semble entendre plusieurs guitaristes à la fois, en compétition les uns avec les autres. Il ajoute à cela sa voix inimitable, avec laquelle il mélange des bribes de textes, des improvisations vocales, des rimes et des onomatopées.

 

Le reste du monde le découvre en 1958 lorsque l’historien de la musique Samuel Charters l’enregistre pour le compte du label Folkways. Entre 1965 et 1972, il donne plusieurs concerts aux États-Unis, souvent à l’invitation de musiciens, impressionnés par son style unique de guitare, comme Pete Seeger qui le fait jouer au Newport Folk Festival, ou Taj Mahal qui le loge durant sa tournée californienne. Il rencontrera également Ry Cooder à cette occasion. Mais l’admiration de ses pairs ne parviendra pas à le convaincre de poursuivre cette carrière et il décide au milieu des années 1970 de ne plus quitter les Bahamas, expliquant qu’après tout, il n’aime pas voyager. (BD)


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