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Le Mystère des Voix Bulgares, une mode de la "world music"


Dans les années 1940 et 1950, le gouvernement communiste désire faire rayonner la culture locale et, suivant le modèle soviétique, établit de grands ensembles d'état. Des écoles enseignent les musiques traditionnelles et apprennent les instruments régionaux. Il s'ensuit une folklorisation, un lissage des traditions pour transmettre des messages et éduquer. Certaines chansons parlant par exemple de la collectivisation, de la meilleure manière de cultiver les champs et de l'utilisation des tracteurs. L'approche est classique, supprimant toute originalité et saveur rurale, occultant les liens avec la réalité. C'est une musique officielle, liée à l'état nation et à laquelle chaque citoyen peut s'identifier, excluant par la même occasion les minorités. Dans ces ensembles d'état, les chanteuses ne sont pas des paysannes illettrées mais elles ont étudié au conservatoire. Certes, ces voix sont fort différentes du monde classique: elles sont ouvertes, fortes, perçantes mais elles interprètent des morceaux qui ont été composés par différents arrangeurs. Le premier de ces groupes est le State Ensemble for Folk Songs and Dances dirigé par Philip Koutev (1903-82). Très talentueux, il part des chants très dissonants des villages et les transforme en un art bien plus harmonieux. D'autres arrangeurs ont suivi son exemple, comme Kosta Kolev, Nikolai Kaufman, Stefan Mutafchiev ou Ivan Spasov.

Et puis arrive Marcel Cellier. Ce Suisse tombe sous le charme des chœurs bulgares et publie en 1975 un premier disque qu'il nomme Le Mystère des Voix Bulgares (il s'agit en fait d'une compilation mettant en avant l'ensemble de Philip Koutev, ainsi que d'autres chœurs). En 1986, le label indépendant britannique 4AD réédite ce disque et c'est un succès immédiat qui marque les débuts de l'ère de la "world music" et de sa commercialisation à outrance. Ce genre de groupe plaît au public: les costumes sont magnifiques, les techniques vocales étonnent (même si elles sont éloignées de la tradition), la présentation est spectaculaire. La mode des chœurs se propage à travers le monde et chaque organisateur de concert veut présenter ce groupe-là, celui des Mystères et pas un autre - Mystère étant un label de qualité. Les groupes prolifèrent, prenant le même nom ou une variante de celui-ci, même si la qualité n'est pas au rendez-vous. Ils deviennent un produit commercial que tout le monde s'arrache, allant du meilleur au pire, jusqu'aux remix techno de plus bas aloi (From Bulgaria with love, par exemple). Des collaborations voient le jour: Kate Bush par exemple invite des solistes pour chanter sur ses albums The sensual world et The red shoes.

Aujourd'hui, certains de ces groupes existent encore mais la fin du communisme a rendu la vie difficile. Ils passent à la télévision, renforçant le sentiment national mais sont détachés de l'idéologie d'état. (ASDS)


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