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Asie Intérieure – Chant diphonique de Touva, de l’Altaï et de Khakassie


Huun-Huur-Tu au festival Sideways, Helsinki (2019), une photo de Ninara (via flickr)

Au sud de la Sibérie centrale, en Asie Intérieure et aux frontières de la Mongolie se trouvent les républiques autonomes de Touva, d’Altaï et de Khakassie qui connaissent une tradition de chant très particulière, le chant diphonique ou chant de gorge. La diffusion de ce type d’expression est très probablement liée à l’histoire des anciens Mongols qui ont traversé l’Asie d’est en ouest dans la seconde moitié du premier millénaire mais elle trouve également ses origines dans l’activité première de ces peuples : l’élevage de troupeaux et le mode de vie nomade.

 

Les traditions chantées de l’Asie Intérieure sont marquées par un intérêt tout particulier porté à la création de timbres riches en harmoniques qui s’entremêlent avec les sons de la nature et des esprits y résidant. Ceci se retrouve dans le chant diphonique, mais également dans les sonorités de certains instruments. Dans ce type de chant, l’interprète manipule les résonances harmoniques créées lorsque l'air voyage des poumons, via les cordes vocales, vers les lèvres, produisant une mélodie. Il émet donc simultanément deux sons différents : un son fondamental ou bourdon, qui vient de sa gorge ou de sa poitrine, et une mélodie composée de sons harmoniques venant de la voix de tête.

 

Comme en Mongolie, il existe divers styles : le sygyt (« siffler »), un style dans le registre aigu, avec des harmoniques claires qui ressemblent à un sifflement, est décrit comme une imitation de la brise d'été, du chant des oiseaux. Le kargyraa est à l’opposé, c’est le chant le plus bas, le plus profond, qui exige un long souffle, ressemblant au hurlement du vent en hiver. Le khoomei est un style de registre moyen, un chant où le bourdon donne l’impression du vent tourbillonnant dans les rochers. C’est aussi un terme générique désignant le chant de gorge à Touva. Le borbangnadyr ressemble au kargyraa mais est plus doux et calme grâce à la position presque fermée des lèvres. Il imite le son de l'eau sur les cailloux de la rivière. L’ezengileer évoque la pulsation dynamique du rythme du galop des chevaux et était à l’origine chanté en montant à cheval.

 

A côté de ces chants existe également une collection d’instruments traditionnels : guimbarde khomus, vièle igil à deux cordes frottées, vièle bysaanchy à quatre cordes, luths doshpuluur et chanzy à cordes pincées, cithare chadagan, flûte tsuur...

Les républiques d’Asie Intérieure ont souffert du communisme, tout comme les autres régions de Russie et de Sibérie. Les instruments traditionnels ont été discrédités comme étant des symboles de l’époque féodale, le chamanisme a été interdit, les moines bouddhistes ont été persécutés et tués et tous les monastères ont été détruits. Mais les traditions anciennes n’ont pas été complètement anéanties. Depuis la perestroïka, la région a connu une renaissance culturelle et les religions ont pu prendre un nouvel essor.

 

Les chants diphoniques ont été découverts et diffusés en Europe et aux Etats-Unis suite à des recherches de l’ethnomusicologue américain Ted Levin à la fin des années 1980. Il avait enregistré l’ensemble d’état à partir duquel se formera en 1992 Huun-Huur-Tu, avec comme membres initiaux Kaigal-ool Khovalyg, Sayan Bapa, Albert Kuvezin et Alexander Bapa. Le groupe est toujours actif aujourd’hui et a sorti une dizaine d’albums. Kuvezin a rapidement quitté la formation pour créer Yat-Kha qui mélange chants de gorge et rock, sortant en 1995 l’album Yenisei punk, et en 2005 Re-covers qui reprend des morceaux aussi divers que « Ramblin’ man » de Hank Williams ou « Love will tear us apart » de Joy Division. Sainkho Namchylak propose un répertoire plus avant-gardiste, mélangeant le chant diphonique à du jazz expérimental. Il faut aussi noter Chirgilchin, ainsi que Tyva Kyzy, composé uniquement de femmes. Elles interprètent le répertoire traditionnel qui était auparavant limité aux hommes. (ASDS)


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