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Traditions de la vieille Russie – polyphonies vocales


Maslenitsa, fête traditionnelle du calendrier russe, une photo de Ninara (via flickr)

Même si les traditions musicales russes ont été fortement transformées et adaptées dans le cadre du folklore d’état durant la période communiste, les styles ruraux ont persisté dans les villages des campagnes, gardant toutes leurs particularités. Ils ont des origines anciennes et ont été influencés par les populations d’origine slave, turque et finno-ougrienne, ainsi que par le paganisme et la religion orthodoxe. Ce répertoire, empreint d’archaïsmes, comprend des chants liés au calendrier agraire et religieux, des lamentations funèbres, des chants de mariage et des pleurs de noces, des chants de recrutement et des chants lyriques ou satiriques. Les chants calendaires et liés aux activités de la vie quotidienne sont primordiaux. A l’époque du paganisme, la nature était personnifiée par l’intermédiaire de statues et idoles que les gens révéraient. Les chants invoquant le printemps, ou les mélodies interprétées lors du solstice, sont un exemple de cette survivance des traditions millénaires slaves empreintes d’éléments animistes.

 

Parmi ce répertoire, les chants de mariages avaient une place importante mais ils ne sont aujourd’hui plus que rarement chantés. Ils étaient entonnés dès la première rencontre entre les familles, et durant toute la préparation de la cérémonie ainsi que pendant le mariage en lui-même, suivant des rituels marqués dans la mémoire collective. Il y a deux grandes phases : la première marque les adieux à la vie de jeune fille et le départ de sa famille, la seconde représente sa nouvelle vie et son accession au statut de femme mariée.

 

L’essentiel du répertoire traditionnel est chanté a cappella et avec de la polyphonie, essentiellement par les femmes. Il existe cependant des instruments, mais ceux-ci viennent soit de l’extérieur du pays, comme les violons et lyres de Pologne, soit d’une « réinvention » datant du 19e siècle. C’est à ce moment-là qu’ont été créés des orchestres populaires composés d’accordéon, balalaïka, domra et gusli. A côté de ceux-ci existent également des instruments à vent traditionnels utilisés essentiellement par les bergers et des percussions.

 

Il existe six régions culturelles principales : l’ouest, autour de Smolensk et Briansk, le nord autour de Novgorod et Arkhangelsk, et le long de la mer Blanche, le centre avec la région autour de Moscou, les régions de la Volga et de l’Oural, les traditions des cosaques et enfin le sud, près de la frontière de l’Ukraine. Même s’il y a des variantes entre ces régions, les chants ont quelques caractéristiques communes : l’utilisation d’échelles archaïques (échelles tritoniques, tétratoniques et pentatoniques) ou diatoniques héritées des chants d’église byzantins, l’exécution à plusieurs voix, souvent sous forme responsoriale, et enfin les polyphonies. Ces chants semblent dissonants à cause de l’utilisation d’intervalles particuliers, peu courants ; les voix des villageoises sont tendues et les mélodies paraissent peu harmonieuses.

 

Ces traditions millénaires étaient en voie de disparition suite au communisme qui voulait gommer toutes les différences et créer une seule musique d’état. Heureusement, il n’a pas fallu attendre la fin de ce régime pour qu’on s’y intéresse. En effet, en 1958, un jeune chanteur nommé Vyacheslav Shchurov a été charmé par les chants des paysans d’Arkhangelsk lors d’un voyage d’études avec son professeur Anna Rudneva. Devenu ethnomusicologue, il interprète lui-même ces chants d’une manière authentique et fait de nombreuses campagnes d’enregistrements dans des lieux reculés, sauvant par la même occasion ce répertoire de l’oubli. Une partie de ces collectages ont été édités par le label hollandais Pan Records et sont présents dans la discographie. Inspiré par ce travail, Dmitri Pokrovsky crée un ensemble dans le même but, mais s’inscrit dans la vague plus large de la renaissance du folk européen des années 1970. Aujourd’hui encore, des groupes s’inspirent des traditions et les mélangent à des musiques actuelles. (ASDS)


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