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Tsiganes de Russie – romances et guitares


Valentina Ponomareva

Les musiques tsiganes sont présentes dans de nombreux pays européens, tout particulièrement dans les Balkans et en Espagne. En Russie, l’implantation des Roms date du 17e siècle et dès la fin du 18e siècle, ils reçoivent l’autorisation d’élever et de vendre des chevaux dans l’Empire, ce qui devient leur profession première. Mais ils ont encore d’autres activités qu’ils exercent de village en village : prédire l’avenir, réparer les chaudrons et divertir. En effet, comme les tsiganes des autres pays, la musique a toujours joué un rôle important pour eux.

 

Dès la fin du 18e siècle, sous le règne de Catherine la Grande, ils deviennent très populaires comme musiciens, influençant les traditions russes qui les inspirent en retour. Pendant le 19e siècle, il était de bon ton pour les nobles russes d’embaucher ces musiciens dans leurs orchestres privés, leurs chœurs et leurs théâtres. Ceux-ci ont été décrits par divers écrivains, tels Léon Tolstoï ou Alexandre Pouchkine. Accompagnés de guitares à sept cordes, mais aussi de violons, cymbales et percussions, les chanteurs ont commencé à s’exprimer en russe, abandonnant leur langue d’origine, le romani. Ils transforment par la même occasion certains chants du répertoire populaire, modifiant les paroles, ajoutant des refrains, leur donnant des touches d’émotion et de passion. Ce mélange est à la source de la création de la « romance russe ». Ils offrent une vision idéalisée de la vie tsigane et créent en même temps une image stéréotypée de l’âme russe.

 

Suite à la Révolution de 1917, la plupart des mécènes ont été contraints à l’exil et le nouveau régime considérait leur musique comme décadente et bourgeoise. Elle aurait pu disparaître à ce moment-là mais la création de l’Union soviétique leur a donné un nouveau départ. Ils ont en effet été reconnus comme une « nation » dont il fallait préserver la langue et la culture. En 1931 est créé le Théâtre Romen qui devient le centre de la culture russo-tsigane, et qui l’est toujours aujourd’hui. La plupart des musiciens importants y ont joué : Lialia Chernaya, les guitaristes Vava Poliakov et Ivan Rom Lebedev, le danseur chorégraphe Ivan Khrustalev. Leur répertoire a été largement repris par les ensembles folkloriques et les grands chœurs, comme par exemple la chanson « Les yeux noirs » qui est devenu un classique. Pyotr Leschenko, chanteur non tsigane immensément populaire entre les années 1930 et 50, interprétait avec passion le répertoire des romances (et du tango).

 

La musique tsigane russe est caractérisée par un instrument en particulier, la guitare à sept cordes qui a été empruntée à la culture russe. Divers musiciens comme Alexander Bobrov, Fedor Kondenko et Alexander Kolpakov ont développé des techniques de jeu très élaborées. Les textes des chansons sont plutôt simples, la mélodie et les sentiments exprimés sont bien plus importants et changent selon les interprètes.

 

Au cours de la seconde moitié du 20e siècle se sont développé plusieurs courants : la musique des Tsiganes nomades, notamment en Sibérie, celle des Tsiganes des villes, très créative (Jelem, Ilo, Arbat), les romances dérivées de la musique chorale des 18e et 19e siècles (Nikolai Erdenko, Valentina Ponomareva, Moesy Oglu) et enfin les traditions des Lautary de la Russie du Sud, représentées par le groupe Loyko. Cette musique est toujours populaire aujourd’hui, charmant le public avec ses violons virtuoses et son romantisme à la limite du kitsch. Elle influencé de nombreux genres de la scène culturelle russe contemporaine avec des sous-genres comme le rap tsigane ou le reggae tsigane. (ASDS)


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