Mondorama

L’Estonie est un petit pays et les musiciens oscillent souvent d’un style à l’autre, gardant par exemple un pied dans la musique classique et l’autre dans la scène jazz, avec parfois une dose de pop. Arvo Pärt (1935) est probablement le musicien estonien le plus connu dans le cadre de la musique classique contemporaine mais il y a de nombreux autres artistes qui produisent des musiques de styles très divers.

Dans les années 1970 et 80 émergent divers groupes rock, comme Ruja et Apelsien qui composent une musique sur des textes de jeunes poètes. Sven Grünberg du groupe Mess joue du rock progressif. Il a été le premier musicien en Estonie à utiliser un synthétiseur (et un des premiers de l’URSS). Il a composé des musiques de film comme celle pour Hotel of a Perished Alpinist (1979) et ses albums Breath (1981) et OM (1988) mélangent sons électroniques et instruments plus classiques. Par la suite, il a été inspiré par les philosophies orientales. In Spe a été fondé par Erkki-Sven Tüür et propose également du rock progressif à tendance expérimentale. L’artiste a influencé toute une génération de musiciens après lui dans ce domaine et a également composé de nombreuses pièces classiques.

Dans les années 1980, des musiciens estoniens comme Jaak Joala, Tõnis Mägi, Anne Veski introduisent de nouvelles idées – ils avaient écouté en secret Radio Luxembourg et regardé la télévision finnoise. Ils deviennent très populaires en URSS. Le punk est arrivé par l’intermédiaire de la Finlande et est marqué par le morceau « Tere Perestroika » de J.M.K.E. (1987). Mais il est clair que jusqu’aux années 1990, les Estoniens n’avaient que peu accès aux musiques extérieures au bloc soviétique. C’était également une période où jouer en live était souvent illégal.

Après l’indépendance, la situation évolue, d’abord lentement à cause des difficultés économiques, puis plus rapidement à la fin de la décennie avec la nouvelle politique du pays qui veut mettre en avant les nouvelles technologies et qui installe des ordinateurs dans toutes les écoles, donnant accès à des décennies de culture et médias occidentaux aux élèves de l’époque. Ceci a inspiré de nouveaux artistes.

Au début du nouveau millénaire, les musiciens locaux s’éloignent des styles pop et dance occidentaux et commencent à composer une musique plus estonienne, plus locale. Les hivers sont longs et froids et propices à la création artistique. Des initiatives comme la Tallinn Music Week fondée en 2009 et l’émergence de divers festivals, ayant lieu dans la capitale mais aussi dans des coins plus reculés comme Narva à la frontière russe, ont soutenu les artistes et ont invité des groupes étrangers. Des initiatives ont également lieu dans divers bâtiments abandonnés de la campagne.

La scène musicale estonienne contemporaine est très éclectique, allant du rock à l’expérimental, et passant par le hip-hop et le heavy metal. Ewert And The Two Dragons domine la scène indie-rock et a une carrière internationale avec une musique mélodique aux rythmes catchy. Mart Avi produit un genre de post-pop ou avant-pop au chant déformé, aux influences R&B et à l’électronique parfois tordue et compliquée tout en gardant une sensibilité très pop. Maria Minerva (Maria Juur) est aujourd’hui basée aux Etats-Unis et propose une pop teintée d’électronique et de dub. Holy Motors crée une pop cinématographique, aux ambiances rêveuses et guitares mélancoliques.

Tallinn connaît une scène de musique électronique et expérimentale avec des artistes qui explorent des voies assez diverses. Ratkiller (Mihkel Kleis) est graphiste mais également un musicien qui propose des soundscapes électroniques mélangeant des ambiances déconcertantes, souvent sombres et surréelles. Andres Lõo est actif depuis la fin des années 1990 a joué avec Mihkel Kleis dans le groupe Luarvik Luarvik, et aussi dans Faun Racket. Il a beaucoup expérimenté avec du noise rock, du jazz, du dub, mais aussi avec de l’ambient atmosphérique.

Tommy Cash (Tomas Tammemets) domine la scène hip hop et décrit lui-même son style comme « post-Soviet rap ». Egalement artiste visuel, il produit des clips étranges et originaux. Il a sorti son premier album en 2014 et a très vite connu du succès, d’abord dans la scène underground estonienne puis internationalement, mélangeant hip hop expérimental, trap et musique électronique. Nublu (Markkus Pulk) est un autre artiste qui a eu beaucoup de succès les dernières années avec son rap très accessible et poétique à la fois.

Il faudrait encore citer beaucoup d’autres artistes. Voici une liste non définitive : Pia Fraus (shoegaze), Vanilla Ninja (pop-rock), Evestus (rock), Iiris (dreampop), Elephants From Neptune (rock), Sibyl Vane (alternative rock), Ocean Districts (post-rock), Wolfredt (post-rock), Kaschalot (math-rock & post-rock), Mört (punk hardcore), Kannabinõid (stoner/sludge), Sociasylum (hardcore/deathcore), Lowfuture (deathcore), about : river (électronique), NOËP (indie pop électronique). (ASDS)