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La scène barcelonaise du 21e siècle : métissages et fusion


La Troba Kung-Fú, une photo d’Hugo Gamelas (en creative commons, via flickr)
A partir des années 1990, une nouvelle scène apparaît à Barcelone. Nommée « musica mestiza », elle mélange la rumba catalane à divers rythmes du monde, au rock, à l’électronique, au hip hop ou au dub.

A partir des années 1990, et surtout dans les premières années du nouveau millénaire, l’Espagne a attiré de nombreux migrants venant d’Amérique Latine, d’Afrique du Nord et d’Europe de l’Est. Une partie d’entre eux s’est installée à Barcelone et s’est mélangée à la population locale. Parmi eux, des musiciens, essentiellement latinos, ont contribué à l’émergence d’une scène artistique qui a été désignée sous le terme de mestiza. Ce mouvement est fort large et connaît de multiples influences, notamment celle de la rumba catalane qui a subi par la même occasion une nouvelle mutation. L’impulsion des labels K Industria et Satélite K est primordiale : ils sortent des disques de musique très actuelle et rééditent des morceaux anciens sur des compilations. Parallèlement en France, Mano Negra et son fondateur Manu Chao – un grand admirateur de Peret – s’intéressent à ces musiques, et popularisent les sonorités locales infusées de rythmes du monde. A l’époque du succès international de son album Clandestino, le musicien s’était d’ailleurs installé dans la ville, permettant au mouvement de prendre un essor encore plus important.


Cette fusion des musiques a commencé dans les années 1990. Certains groupes comme Ai, Ai, Ai ou Sabor de Gràcia perpétuent l’héritage de Gato Pérez, tandis que d’autres, comme Estopa ou La Cabra Mecánica repoussent les limites du genre en intégrant des influences du reggae et du rock latino, mais aussi de la cumbia, du hip hop et du punk rock, de la musique électronique, créant la rumba fusion. Dusminguet est un des premiers groupes importants, fondé en 1995 par le chanteur et accordéoniste Joan Garriga et par le tromboniste Xavier Boixader. Ils nomment leur musique « patxanga », en allusion aux orchestres de village qui interprètent un pot-pourri de chansons lors des fêtes populaires. Leur souhait est de s’éloigner de l’influence musicale anglo-saxonne et de se focaliser sur la culture espagnole et latino-américaine. Ils sortent trois albums durant les années 1990 et tournent sur les scènes du monde, avant de se séparer. Joan Garriga fonde un nouveau groupe en 2008, La Troba Kung-Fú, qui prend le relais de Dusminguet, et qui propose une rumba catalane infusée de styles très divers, de la cumbia au dub.


Ojos de Brujo est également une pierre angulaire de ce mouvement. Le groupe a été fondé en 1996 et propose un mélange de flamenco, balkan, rap, hip hop, rock, salsa et reggae, qu’ils nomment eux-mêmes « jipjop flamenkillo » ou du hip hop avec un peu de flamenco. Leur démarche a été critiquée par les puristes du flamenco mais selon le groupe lui-même, elle démontre justement la multiculturalité du style, les tsiganes étant originaires d’Inde et vivant dans diverses régions du monde. Au niveau des rythmes, leur musique est proche de la rumba catalane. Le groupe est extrêmement populaire durant les années 2000 et a sorti une dizaine d’albums.


Cette musica mestiza est liée à d’autres formes artistiques comme le street art ou le design graphique. Il a en grande partie commencé dans les rues, avec des groupes comme Macaco, Che Sudaka, 8001 ou Cheb Balowski qui interprétaient leur musique sur la Plaza Cataluña, les Ramblas ou dans le Barrio Gótico et Raval. Ces lieux étaient alors en pleine mutation sociale, avec de nombreuses évictions qui ont mené à la gentrification de ces parties de la ville. Divers groupes ont dénoncé la politique de transformation urbanistique, défendu les droits des immigrés et lutté contre le racisme dans les paroles de leurs chansons. Le mouvement a connu son apogée entre 2001 et 2005 environ mais il a décliné quand la ville a interdit aux artistes de jouer en rue sans autorisation. Certains groupes se sont séparés et d’autres artistes ont rejoint un mouvement plus mainstream.


Aujourd’hui, ce mouvement hétérogène est malgré tout encore actif, avec des propositions très diverses : Muchachito Bombo Infierno propose une chanson rock tandis que Shiva Sound et Go.Lem System ont choisi la voie électronique. Il faut aussi citer La Pegatina, Gambeat, Bongo Botrako, La Kinky Beat (de Badalona), Txarango (de Gérone), La Familia Rústika, Tirando Sillas, La Banda del Panda ou Canteca de Macao. (ASDS)


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