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L’âge d’or du flamenco : du café cantante au cante jondo


Café cantante, Seville 1885 (Photo Emilio Beauchy, via wiki)
On distingue généralement dans l’histoire du flamenco un âge d’or semi-mythique : celui qui va de sa création dans les années 1880 à sa première crise dans les années 1920. Les documents écrits de l’époque nous aident à suivre cette évolution mais les enregistrements sont rares. On y voit un genre très local prendre une envergure inattendue.

On s’accorde pour situer la naissance du flamenco dans le quartier de Triana, à Séville, où se sont créés les premiers cafés cantante à la fin du 19e siècle. Parmi les pionniers se trouvent la figure célèbre de Silverio Franconetti, fils d’une mère andalouse et d’un père militaire italien stationné en Espagne. Dans sa jeunesse passée à Moron de la Frontera, il avait appris le métier de tailleur, mais préférait passer son temps à écouter les Gitans, qu’il entendait chanter au travail dans les forges de la ville. L’un d’entre eux en particulier, nommé El Fillo, a capté toute son attention, au point de pousser le jeune homme à lui demander des leçons. Bien que payo (c’est-à-dire non-gitan) il a maitrisé le répertoire qu’il a adapté à sa voix et à son style. 


Après plusieurs péripéties qui l’ont vu abandonner son métier, monter à Séville, puis à Madrid, puis s’exiler en Uruguay, il finit par s’installer à Triana et par y ouvrir en 1881 un café cantante, le « Café de Silverio ». Si les autres cafés musicaux n’avaient pas de direction musicale très stricte (et avaient une réputation de « lieux de mauvaise vie »), Franconetti choisit de faire de son établissement un endroit sérieux, dédié uniquement au chant flamenco.


Bien que les critiques (de l’époque et d’aujourd’hui) regrettent cette professionnalisation du flamenco, jusque-là chanté spontanément par les Gitans et non présenté en spectacle pour un public payant, le café cantante va toutefois aider à la reconnaissance du genre et lancer la carrière de chanteurs comme Antonio Chacon, Antonio Frijones (Antonio Vargas Fernández), Fosforito (Francesco Lema), de chanteuses comme La Niña de los Peines (« la fille des peignes ») ou La Trini, et de danseuses comme Juana la Macarrona.


Les cafés cantante vont toutefois progressivement perdre leur popularité au début du 20e siècle au profit des théâtres et on va voir apparaitre un nouveau genre appelé flamenca opera. Une question de taxes, pénalisant les cafés et favorisant les « lieux de culture », va pousser les promoteurs de spectacles à préférer monter des tours de chants à la mise en scène théâtrale mêlant le flamenco à des genres plus légers comme les cantiñas et les fandangos. De même la tradition du chant rugueux des origines va laisser la place à des voix plus suaves, inspirées du bel canto, voire au falsetto.


En réaction à cette évolution, un mouvement « anti-flamenquiste » va se créer qui va attirer des profils souvent très opposés. Les uns, catholiques, conservateurs et nationalistes, étaient opposés à toute forme de flamenco et voyaient dans la culture gitane, du chant à la corrida, la perversion de l’âme espagnole. D’autres, progressistes cette fois, voulaient au contraire contester le dévoiement commercial du style et revenir à une version plus « authentique ». Parmi ces derniers se trouvaient entre autres le poète Federico Garcia Lorca et le compositeur Manuel de Falla. De Falla avait déjà abordé le flamenco dans son ballet El Amor Brujo, qui comportait un tableau de danse gitane, le mouvement Danza ritual del fuego. 


En 1922, le poète et le musicien mettent sur pied à Grenade le premier « Concours de chant profond » (El concurso de cante jondo) consacré à la version la plus ancienne, considérée comme la plus pure, du chant gitan. L’absence du terme « flamenco » était voulue pour éviter la confusion avec la version « décadente » du style. Les grands vainqueurs de ce concours, où la génération des anciens (comme Manuel Torre, Chacon, Niña De Los Peines, etc.) ne participaient que comme jurés, furent un chanteur vétéran de Moron de la Frontera, « El Tenazas » et un jeune gitan de douze ans, Manolo dit « Caracol ». L’événement eu un grand retentissement dans le monde de la littérature et de la musique classique, et donna au flamenco une caution de musique « sérieuse » mais ne parvint pas à imposer le style du cante jondo auprès du grand public. Une vague d’enregistrements en 78 tours va néanmoins populariser le flamenco en Espagne et dans le reste du monde et documenter le travail de cette génération et des nouveaux arrivants. (BD)


 


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