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Le flamenco aujourd’hui : croisements et innovations


Enrique morente en concert au palais de la musique catalane, 2009 (photo alterna2, via wikipedia)
Aujourd’hui le flamenco est toujours un point de référence central pour de nombreux artistes espagnols, qu’il s’agisse de s’en inspirer, de s’en écarter ou de s’en emparer. Après les premières tentatives de nouvelles combinaisons lancées par le flamenco fusion et le nuevo flamenco, l’heure est à présent aux musiques hybrides, associant le flamenco à d’autres styles comme la musique électronique, le hip hop ou la pop.

Depuis les fusions des années 1980, la référence au flamenco dans le monde de la musique pop et à l’inverse, l’intégration de nouveaux éléments dans le flamenco sont devenus monnaie courante. Si selon les défenseurs de l’orthodoxie fixée par Antonio Mairena, le flamenco ne pouvait être « qu’une chanson gitane chantée par une voix rocailleuse en mode phrygien sur un cycle rythmique de 12 temps » et rien d’autre (comme l’écrit Enric Folch), la musique continue à évoluer par métissage et par assimilation. Depuis les années 1990, à la suite des productions du label madrilène Nuevos Medios, de nouvelles combinaisons sont expérimentées, entre les artistes et entre les genres. L’influence du nuevo flamenco se fait ainsi encore sentir aujourd’hui dans le travail d’artistes comme Arcángel, Miguel Poveda, Mayte Martín, Marina Heredia, Estrella Morente, Manuel Lombo ou Rosalia, même si de nos jours on préfère utiliser tout simplement le terme de flamenco.


Tandis que la pop espagnole et les autres musiques traditionnelles du pays évoluaient, se secouant de la poussière du conservatisme franquiste, le flamenco a lui aussi connu les bouleversements de la Movida et de la libération des mentalités. Une jeune génération a fait sortir le flamenco du circuit exclusif des tablaos pour le présenter dans celui des clubs, des discothèques, des salles de concert rock, etc. Avec ce changement d’environnement est venue l’envie d’une plus grande ouverture sur le reste de la scène musicale.


On retrouve des musiciens comme Tomatito, ancien accompagnateur de Camarón de la Isla, ou les musiciens de Pata Negra et de Ketama, accompagnant par exemple le chanteur Duquende en 1993, mais aussi la chanteuse rock Rosario, fille de Lola Flores et d’El Pescailla, sur son album De Ley (1992). La frontière avec la rumba s’est également amoindrie et on trouve le guitariste flamenco Vicente Amigo au côté d’Alejandro Sanz sur son album rumba Corazon partio (1997). Le groupe Radio Tarifa a suivi la voie ouverte par Ketama, mêlant musique arabe, médiévale et africaine à une base de flamenco et se produisant dans les années 1990 sur les scènes de world music. La Barberia del Sur y ajoute de son côté une touche salsa.  


Du côté de la pop, le groupe El Ultimo de la Fila faisait une musique associant new-wave, pop et la guitare flamenco de Juan Manuel Canizares (futur membre du sextet de Paco de Lucia) tandis que Mecano interprétait « Una rosa es una rosa » (1991), accompagné par Gerardo Nuñez et, à nouveau, par Tomatito. Antonio Carmona, de Ketama, a également écrit « Besos de Caramelo » qui fut un hit pour la chanteuse pop Aurora.


Sous le nom d’artiste de Martirio, Isabel Quihones Gutierrez s’inspire du flamenco autant pour la musique que pour les costumes flamboyants et les mantilles qu’elle porte sur scène. On compare souvent son approche irrespectueuse de la tradition à celle du cinéaste Almodovar. Comme chez lui, le rêve offert par la chanson est mis en balance avec le sordide de la réalité. Son producteur, Kiko Veneno a écrit des chansons pour Camarón (dont le célèbre « Volando voy »), comme pour Pata Negra. Parmi les chanteuses, il faut également citer Nina Pastori, produite par Alejandro Sanz, qui alterne tangos, bulerias et rumbas, mais aussi coplas et balades, et Mayte Martin, plus proche de la tradition mais qui a également travaillé avec le pianiste de jazz catalan Tete Monteliu. Un autre personnage étonnant et controversé est la chanteuse Rosalia, qui oscille entre la tradition du cante flamenco, des albums atmosphériques avec le musicien Raül Refree (Los Angeles, 2017, El Mal Querer, 2018) et un collage éclectique de musiques urbaines contemporaines (Motomami, 2021)


Du côté des chanteurs, Jose Merce est un des plus grands succès des années 1990 et Enrique Morente, de son côté, un des artistes les plus influents. Dans l’excellent album Amiga (1996), il interprète des textes de Federico Garcia Lorca (du recueil posthume Poète à New York) en parallèle avec des reprises de Leonard Cohen. Il est accompagné sur ce disque par le groupe rock Lagartija Nick et par les guitaristes Tomatito, Juan Manual Cañizares et Vicente Amigo, entre autres. Il a de plus réalisé un album, El pequeno reloj, en 2003, dans lequel il utilise des samples de vieux enregistrements en 78 tours de guitaristes flamenco comme Sabicas ou Ramon Montoya. Sa fille, Estrella Morente, a également entamé une carrière de chanteuse de flamenco, remettant à l’honneur le style de la « voix claire ». Citons également les chanteurs Arcángel, Miguel Poveda et Manuel Lombo.


D’autres ponts ont par ailleurs été lancés vers le hip hop, avec notamment la chanteuse La Mala Rodriguez et son album Lujo ibérico (2000) ou le collectif Ojos de Brujo de Barcelone. (BD)


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