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Le Flamenco : origines et définition


flamenco à Madrid (photo de Christophe Lejeune via flickr)
Ce premier article sur le flamenco examine la question complexe des origines du genre. Si le flamenco apparait à la fin du 19e siècle seulement, il puise à différentes sources, historiques comme géographiques.

La question des origines du flamenco est non seulement complexe, elle est aussi délicate, et a souvent été un sujet de controverse politique. La paternité du style dans l’une ou l’autre tradition a constitué au fil du temps un débat houleux et parfois violent. Deux pistes posent principalement problème aux historiens : les hypothèses arabes et gitanes. Chacune est chargée de biais idéologiques qui ont souvent empêché une analyse objective de l’énigme posée par le style. 


Depuis la reconquista au 16e siècle, de grands efforts ont été faits pour faire disparaître les traces de la culture musulmane de la période mauresque. Pour de nombreux commentateurs, accorder au flamenco une origine étrangère est ainsi un outrage. Ils choisissent alors de le raccrocher uniquement à des traditions folkloriques andalouses – espagnoles et chrétiennes - ou pour les plus ambitieux, à des apports musicaux des Wisigoths. Pour d’autres par contre, il est ridicule de vouloir faire disparaitre 700 ans d’histoire, et ils soulignent que l’influence arabe se retrouve dans plusieurs traits communs comme le mélisme ou les échelles modales. 


La piste d’une origine gitane se heurte aux mêmes préjugés. Si le flamenco s’est développé au sein de cette communauté et a été principalement popularisé par des musiciens issus de familles gitanes d’Andalousie, beaucoup de chercheurs refusent toutefois de leur en accorder l’invention. Les gitans font partie des communautés rom arrivées d’Inde au 10e siècle et se sont installés en Espagne à partir du 15e siècle. On leur accorde une image de peuple de musiciens, assimilant les musiques de tous les pays qu’ils traversent et en restituant une version personnelle, souvent améliorée. Pour cette même raison, on considère souvent, avec beaucoup de mauvaise foi, qu’ils se sont cantonnés dans un rôle d’exécutant et non de créateurs. Les défenseurs de la piste gitane attirent par contre l’attention sur les similitudes entre les danses, les pas, les frappes de main du flamenco, et les traditions indiennes similaires. On leur oppose alors que les Roms n’ont adopté ces pratiques qu’en Espagne et nulle part ailleurs dans leur trajet depuis l’Inde. Ils auraient par contre pu emprunter ces traits aux cultures byzantines rencontrées dans leur exode.  


On le voit, il est délicat de trancher cette question des origines. Pour les rendre encore plus complexes, plusieurs commentateurs émettent l’hypothèse d’un mélange de ces différentes pistes, signalant que la présence des Maures en Espagne s’est poursuivie malgré les tentatives de l’Inquisition et des souverains chrétiens de les convertir ou de les expulser, et que beaucoup d’entre eux se sont intégrés au communautés gitanes. 


Les étapes suivantes dans ces controverses concernent l’origine du terme « flamenco » et la difficulté d’en donner une définition. L’étymologie du mot flamenco a donné lieu à de nombreuses théories. Le nom pourrait selon les versions avoir anciennement désigné un poignard ou un oiseau (le flamant rose), être une forme de moquerie (les gitans étant à l’opposé des grands blonds flamands), être tiré de l’arabe felah-menkoub (signifiant « paysan erran ») ou de l’argot andalou du 18e siècle. Le lien avec la Flandre a également plusieurs interprétations, allant de l’erreur (on croyait les gitans originaires d’Europe de l’Est) à l’analogie avec un groupe de musiciens flamands ramenés des Pays-Bas par le roi Charles Ier, et de l’insulte (par association avec les Bohémiens apportés par le roi Charles III pour peupler la Sierra Morena) à un surnom donné aux nombreux gitans engagés (souvent de force) dans les armées espagnoles durant les campagnes de Flandre entre le 16e et le 18e siècle.


Donner du flamenco une définition est tout aussi risqué. Quelques traits spécifiques peuvent toutefois être dégagés, qui correspondent de plus à l’évolution du style. À l’inverse de la vision touristique contemporaine, le flamenco est avant tout un chant, accompagné de battement de mains et de pieds. L’importance donnée aujourd’hui à la danse ou à la guitare est une transformation récente, décriée par les puristes. 


Les premières traces du style se retrouvent dans les cafés cantantes du quartier de Triana, à Séville, à partir de 1881. À partir des années 1920, il subit plusieurs modifications qui cherchent à la fois à le populariser et à l’édulcorer et donne la mode du flamenca opera, associant une forme de Bel Canto (à l’opposé du chant rude des cafés gitans) à une mise en scène exotique à la flamboyance souvent vulgaire. Pour contrer cette dérive, des écrivains comme Federico Garcia Lorca et des musiciens comme Manuel De Falla vont chercher à revenir aux sources folkloriques du genre et promouvoir le cante jondo (le chant profond), la version la plus ancienne du chant flamenco.


Cette renaissance va être accompagnée d’un intérêt académique de plus en plus important pour le style et le chanteur et écrivain Antonio Mairena va rédiger dans les années 1960 la première somme consacrée au flamenco : Mundo y formas del cante flamenco, défendant la thèse d’une origine purement gitane du genre. À la même époque, la dictature franquiste, jusque-là opposée à toute forme de culture locale, et très répressive pour les Gitans, se tourne vers le tourisme pour compenser son économie moribonde. Une nouvelle version du flamenco est alors inventée pour les visiteurs étrangers qui met l’accent sur la danse, les costumes tape-à-l’œil et une passion outrée. En réaction à ce dévoiement naitra le flamenco nuevo, à la fois retour aux sources et évolution du genre. Le musicien Paco de Lucia et le chanteur Camarón de la Isla entameront ainsi une réelle révolution en bouleversant les codes et en ouvrant des voies qui seront plus tard explorées par les différentes formes de flamenco fusion. Toutes ces étapes dans l’histoire de flamenco seront détaillées dans les articles suivants. (BD)


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