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Tarentella, la transe du Sud


Tarantismo
Parmi les traditions les plus étranges et les plus méconnues de l’Italie du Sud, l’une d’elle, redécouverte à la faveur des expéditions ethnomusicologiques de Diego Carpitella et Ernesto De Martino (voir son livre « La terre du remords »), continue à intriguer les chercheurs aujourd’hui.

La tarentelle, plus qu’une danse, est un réel rituel de guérison accompagnant une série de traditions rassemblée sous le nom de tarantisme. La danse, et la musique qui l’accompagne, était interprétée afin de soigner un état de léthargie, potentiellement fatal, provoqué par la morsure de la tarentule. Cette espèce d’araignée, qui tire son nom de la ville italienne de Tarente, est toutefois innocente et son venin n'est pas dangereux pour l'homme. On a ici plutôt affaire à une condition hystérique encore inexpliquée, qui pourrait avoir des origines dépressives et recouvrir des troubles psychologiques, névrotiques ou psychosociaux.


La tarentelle, dans sa version la plus ancienne, telle qu’on la retrouve notamment dans les Pouilles, est une musique de transe, profondément hypnotique, dont le rythme prolongé produit des effets cathartiques sur les danseurs/patients, passant d’un état de prostration et d’apathie à une surexcitation se traduisant par des convulsions, des soubresauts effrénés et des conduites extravagantes. Ce type de libération poussant les individus, majoritairement des femmes, à des comportements qui auraient été jugés déplacés en des circonstances normales, est typique de régions où la pression sociale et morale est très forte, comme ici dans une région rigoureusement catholique. Plusieurs chercheurs interprètent ce rituel de la tarentelle comme une survivance des rites dionysiaques, ou du culte de la déesse Diane/Artémis, que pratiquaient les anciens habitants grecs de la région. Pourchassés par les autorités chrétiennes, il se peut que ces rites païens aient trouvé une forme de continuité en prenant pour prétexte le poison imaginaire de l’araignée.


Le traitement de la « mélancolie » s’est ainsi paradoxalement accolé à la dévotion à Saint Paul de Tarse et l’Eglise a toléré, ou en tout cas fermé l’œil sur le rituel et la danse. La tradition persiste aujourd’hui encore dans la région de Tarente et de Salento (l’ancienne « Terre d’Otrante »), mais aussi en Campanie et en Calabre, et jusqu’en Sicile, et a donné naissance, après un période de relatif oubli, à une forme de néo-tarentisme qui met avant tout en avant la musique (sur un tempo bien plus rapide qu’autrefois) et plusieurs formes de danses, de la tarentelle traditionnelle à diverses formes de pizzica, une danse similaire mais pouvant être interprétée en couple, comme une danse de séduction, ou par deux hommes, comme danse de défi et de combat. De nombreux artistes contemporains se sont consacrés à cette musique et un festival rassemble chaque année des formations venant de toute l’Italie pour interpréter leur vision de la tarentelle. (Benoit Deuxant)


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