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Polyphonie profane : chants de tablées


Niko Pirosmani, Fête des Malakans (domaine public)
Parmi le large répertoire de musique traditionnelle profane se démarquent les chants de tablées, interprétés selon des règles très précises lors de grands banquets et fêtes.

Parallèlement aux chants liturgiques existe un large répertoire de chants profanes, eux aussi interprétés en général en polyphonie et en trois parties. Ils sont liés au cycle des saisons, aux travaux des champs et aux fêtes du calendrier comme Noël, la nouvelle année et Pâques ainsi qu’aux événements de la vie quotidienne et au cadre intime, de la naissance à la mort, en passant par le mariage.


Parmi ces traditions, un genre se démarque : le chant de tablée. Même sous la domination soviétique, les Géorgiens ont continué à les interpréter, dans leur contexte original (même s’ils ont également été repris dans le répertoire des chœurs d’état). Les banquets ou supra ont été dès le 19e siècle une manière de se démarquer des Russes qui ont d’autres habitudes culinaires. Manger ensemble a toujours été important, même à l’époque féodale, et l’invité, l’homme ou la femme de passage, doit toujours être accueilli. Ces supra sont des événements importants dans la vie quotidienne et leur déroulement est lié à des rites et des traditions complexes. Hommes et femmes aiment se retrouver lors de longs repas de fête, aux tables bien garnies. Et il ne faut pas oublier que le pays est à l’origine du vin et qu’il existe de nombreux vignobles et crus locaux.


Ces tablées sont toujours menées par un personnage particulier, le tamada. Il organise les toasts selon certaines règles et coutumes et selon un certain ordre. Le premier est toujours en l’honneur de Dieu, et s’il y a de la musique, le premier morceau est toujours également en son honneur. Le second souhaite une longue vie et se fait en parallèle avec l’hymne « Mravalzhamieri », en louange à la vie. Un autre morceau très connu est « Zamtari » (ou « Hiver »), qui parle de la brièveté de la vie et de la mort et qui commémore les ancêtres. Un repas est ainsi entrecoupé de nombreux toasts – et de nombreux verres bus – et les Georgiens savent qu’il vaut mieux bien manger au début du repas pour supporter tout cet alcool. Chaque participant doit se joindre aux toasts, en buvant et en s’exprimant sur le thème proposé. S’il existe une chanson sur ce même thème, elle sera entonnée à ce moment-là. Elles sont religieuses, ou liées spécifiquement à ces occasions, mais peuvent aussi être des chants de travail, des chants de récolte ou de labours. Comme beaucoup d’activités traditionnelles liées à l’agriculture ont disparu, les banquets sont un endroit où ils sont encore interprétés et donc préservés. Art verbal et musical s’entremêle lors de ces occasions.


Comme dans la plupart des chants polyphoniques géorgiens, deux voix en solo interprètent une mélodie ornementée (et plus libre que dans le chant liturgique) tandis que la troisième (souvent chantées par plusieurs hommes à la fois) forme le bourdon, une basse continue. Ces chants sont interprétés a cappella, sans accompagnement instrumental, mais il n’est pas rare que les participants quittent la table pour entamer une danse. Il existe des diversités régionales (qui seront décrites dans l’article suivant), mais la Kakhétie, région vinicole à l’est du pays, est considérée comme le berceau de ces chants de tablées qui se sont par la suite répandus dans tout le pays.


Les Géorgiens d’aujourd’hui s’adonnent toujours activement et bruyamment à cette coutume, souvent entre hommes, ou entre femmes, parfois en groupe mixte. Les repas peuvent durer longtemps, jusqu’à six heures, et les nombreux plats s’accumulent et se superposent sur la table, tandis que le chacha, l’alcool local, ou le vin, coulent à flots. (ASDS)


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