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Azmaris – musiciens itinérants


Azmari jouant du masenqo, une photo de meg and rahul (via Flickr)
La tradition des azmaris, musiciens itinérants improvisant des chants de louange ou de critique sociale, accompagnés au krar ou au masenqo.

Outre la lyre begena, les deux autres cordophones importants dans la tradition éthiopienne, la lyre krar et la vièle masenqo, sont les instruments des azmaris, des musiciens itinérants qui présentent certaines similitudes avec les griots d’Afrique occidentale (mais leurs histoires sont ancrées dans le temps présent et non le passé). Originaires des plateaux centraux et de la région de Gondar dans le nord du pays, ces hommes et femmes appartiennent généralement aux ethnies Amhara, Galla, Oromo et Tigré. A l’époque impériale, ils chantaient les louanges des nobles qui les engageaient pour entretenir leur notoriété. Ils sont les garants de la mémoire collective et connaissent un grand répertoire de chansons et musiques mais ils sont vus de manière ambivalente par la société éthiopienne. D’un côté, ils paraissent suspicieux à cause de leur vie itinérante mais d’un autre, ils sont respectés à cause du pouvoir que comportent les mots et les textes qu’ils diffusent.


Leur répertoire est composé de louanges et satires et leurs textes font passer des sentiments de tristesse, de nostalgie mais aussi de critique voilée. Les azmaris sont les spécialistes de l’improvisation, des métaphores et des doubles sens, appelés semenawork ou wax ‘n’ gold : la cire est apparente et cache le cœur du message qui est en or. Ceci a été très utile pendant certaines périodes comme celle de l’occupation italienne. A cette époque, les azmaris ont joué un rôle très important dans la diffusion d’une propagande patriotique et dans l’appel à la résistance. Ils s’accompagnent au masenqo, une vièle à pique dont la caisse de résonnance a la forme d’un losange ou d’un carré, aux cordes frottée.  L’autre instrument important est la lyre krar, de forme similaire au begana mais de taille plus réduite et possédant six cordes. Elle était considérée dans le passé comme l’instrument des vauriens et des vagabonds, des proxénètes et des prostituées.


Depuis la fin de la dictature en mai 1991, beaucoup d’azmaris ont quitté leurs provinces distantes et se sont installés à Addis-Abeba où est né un nouveau style, appelé bolel (littéralement « gaz d’échappement de voiture »), qui mélange les traditions et la culture moderne et urbaine de la capitale. Les instruments traditionnels sont parfois abandonnés au profit de claviers, guitares ou saxophones. Ils jouent dans les bars et gargotes, dans les tedjbets (les bistrots où on sert le tedj, un genre d’hydromel local), et dans les fêtes publiques ou privées. L’alcool coule souvent à flots et l’atmosphère est bouillonnante, tout particulièrement quand les personnes présentes commencent à danser l’eskista, secouant épaules et poitrine à un rythme effréné. La vie nocturne évolue cependant au rythme des événements ; elle s’est calmée pendant la guerre Ethiopie-Erythrée de 1998-2000 et a souffert de l’épidémie du sida. Et il y a eu aussi une touristification du circuit des azmaris qui jouent de plus en plus souvent une musique un peu aseptisée dans le contexte chic et luxueux d’hôtels et de restaurants. Une musique plus authentique existe malgré tout à certains endroits, pour qui sait les trouver. (ASDS)


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