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La musique moderne des années 1960-70 – Coup d’état et éthio-jazz


Mulatu Astatke (flickr credit : Asaf Antman)
Un coup d'état raté contre son règne va pousser l'empereur Haïlé Selassié vers une politique d'ouverture et de modernisation, qui aura des répercussions profondes sur la musique du pays.

En 1960, profitant d’un voyage à l’étranger de l’empereur Haïlé Sélassié, des officiers de la garde impériale tentent un coup d’état et montent un gouvernement réformiste, prenant en otage les ministres et le prince héritier, Asfaw Wossen, qu’ils veulent mettre sur le trône. Les putschistes sont renversés à leur tour en quelques jours par l’armée régulière, mais l’événement a un impact profond sur l’empereur qui entame alors une politique confuse et contradictoire de restauration de son pouvoir et de libéralisation du régime. Une conséquence positive de cette nouvelle politique progressiste est l’émancipation de la musique. Jusqu’ici régentée et contrôlée par le gouvernement, elle va rapidement s’affranchir et se lancer dans de nouvelles audaces modernistes. Depuis 1948, c’est le bureau de l’Agher Feqer Mahber (« association amour de la patrie ») qui centralisait l’administration des musiciens et la censure de leur travail, et détenait le monopole de la production et de l’importation de disques. Les enregistrements se sont en effet répandus et ont pris une place importante sur le marché, non pas d’un public d’acheteurs, mais des cabarets et bistrots, qui vont remplir leurs juke-boxes de la nouvelle musique. Les premiers orchestres civils et les premiers labels indépendants vont naître en même temps à la fin des années 1960.


L’exemple le plus connu est le label Amha Records, qui forme la base de la collection « Éthiopiques » éditée par Buda Musique à partir de 1998. Ce premier label indépendant a attiré de nombreux artistes issus des formations officielles, débauchés pour se lancer dans la nouvelle aventure et monter de nouveaux groupes. On calcule que cet âge d’or de la musique moderne éthiopienne ne durera que dix ans, durant lesquels Amha Records et ses concurrents ont pu publier en tout et pour tout une trentaine d’albums et environ cinq cents 45 tours. Témoin de son époque, enregistrée dans l’urgence, cette discographie fait la part belle à l’éthio-jazz et à la soul éthiopienne. Farouchement indépendant, le pays a longtemps été fermé aux influences étrangères, s’ouvrant très lentement vers l’Europe, plutôt que vers ses voisins africains. L’Éthiopie est ainsi restée isolée des musiques du reste du continent et a développé sa propre version de la modernité.


Un des seuls musiciens à avoir cherché d’autres sources d’inspiration fut Mulatu Astatké, qui eut la rare chance de voyager à l’étranger, à Londres tout d’abord puis à New-York et Boston. Parti étudier l’aéronautique, il bifurque rapidement vers la musique, se passionnant pour le jazz et les rythmes afro-caribéens et latino-américains. De retour au pays, il va chercher non pas à importer son nouvel enthousiasme, mais à créer de toutes pièces un jazz éthiopien, basé sur les musiques et les rythmes traditionnels du pays, comme le shilela ou le tezeta. Auréolé de son statut, parfois encombrant, de premier musicien éthiopien formé à l’étranger, il produit de nombreux artistes, exerçant une influence considérable sur les quelques années de cet âge d’or.


Outre l’éthio-jazz de Mulatu Astatqé, une des directions que prend la musique de l’époque est une version éthiopienne de la soul américaine. Contournant une fois de plus le continent africain, ce sera l’influence des États-Unis qui lancera des chanteurs comme Alémayéhu Eshèté sur les traces de James Brown ou de Wilson Picket. Toutes ces musiques entreront en résonnance avec la nouvelle génération d’adolescents, les teenagers qui comme dans le reste du monde s’enflamment pour la modernité. (BD)


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