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Grands orchestres de l’indépendance et Bembeya Jazz National


Grands orchestres de Guinée
Les années 1960 sont marquées par la création de grands orchestres nationaux, chargés de promouvoir la politique culturelle du nouveau régime. Cette période donnera paradoxalement naissance à quelques-uns des groupes les plus importants de la musique guinéenne comme Balla et ses Balladins, Keletigui et ses Tambourinis et le Bembeya Jazz National.

Lorsque la Guinée obtient son indépendance en 1958, le pays sort de la domination culturelle occidentale. Les Français quittent le pays de mauvaise grâce, en emportant la majeure partie des infrastructures techniques, et en sabordant ce qui ne peut se transporter. Le pays se retrouve sans moyens technologiques, sans stations de radio, sans studios d’enregistrement. La nouvelle république de Guinée va devoir repartir de zéro. Le président Ahmed Sékou Touré va faire de la musique nationale une priorité.


Il commence par déclarer la « décolonisation intellectuelle » du pays, et la construction d’une nouvelle identité nationale. Celle-ci se fera parfois au détriment de sa diversité, les différences ethniques et régionales ayant été utilisées par les occupants comme moyen de diviser la population et de la contrôler. Ce mouvement s’appellera « l’Authenticité » et le PDG (le Parti Démocratique de Guinée, parti de Sékou Touré) va pour la promouvoir créer l’Orchestre National de Sily, un ensemble dont les membres seront choisis par le gouvernement parmi les meilleurs musiciens du pays. Sékou Touré va ensuite décréter la dissolution de tous les autres orchestres privés, et l’interdiction de jouer de la musique étrangère, et surtout de la musique française.


L’Orchestre National de Sily va sillonner le pays, jouer, enseigner et recruter. Devenu trop grand, l’ensemble va donner naissance à d’autres formations comme l’Orchestre de la Bonne Auberge, Keletigui et ses Tambourinis, ou encore l’Orchestre du Jardin de la Guinée (également connu comme Bala et ses Balladins). Pour accompagner cette promotion de l’Authenticité, le gouvernement va remettre en place une station de radio, des studios d’enregistrement et un label, Syliphone, qui publiera une centaine de disques dans les années 1960 et 1970. 


L’intervention de l’état dans la vie musicale du pays va avoir des conséquences contradictoires. D’une part la Guinée va développer une importante production discographique, fonder un grand nombre d’orchestres de qualité et effectuer des recherches très sérieuses sur les traditions anciennes et authentiques. Mais d’autre part cette politique va s’accompagner d’une obligation de « regard sur le passé » qui, s’il signifiait « avant le temps avant les Français », était fondamentalement très conservateur. La mainmise du gouvernement sur l’ensemble des arts, renommés Sily-art, Sily-cinéma, etc , (Sily en soussou signifie l’éléphant, et est le symbole du président et de son parti) va signifier une utilisation politique de la musique et une censure de toute dissidence. Seuls les artistes qui chantent les louanges de Sékou Touré, du PDG et du régime, vont pouvoir enregistrer et se produire en public.


Cette obligation paradoxale de s’exprimer avec créativité, sous un contrôle strict, va néanmoins donner le champ libre à une réelle originalité et à une production musicale de grande qualité, rapidement imitée par les pays voisins. Outre les orchestres cités plus haut, les Ballets Africains, le Kebendo Jazz ou encore le chanteur Sory Kandia Kouyate, vont tous promouvoir la nouvelle vivacité de la musique guinéenne. En 1971, la chanteuse sud-africaine Myriam Makeba enregistre avec un quintet de musiciens locaux son album Appel à l’Afrique, sur le label Syliphone durant son exil en Guinée. Un groupe exclusivement féminin a également été fondé par les forces armées : l’Orchestre Féminin de la Gendarmerie, plus tard rebaptisé les Amazones de Guinée.


Mais c’est sans doute le Bembeya Jazz National qui fut l’orchestre le plus important de cette période. Fondé en 1961 par l’homme d’affaire Emile Condé (plus tard tombé en défaveur et emprisonné), ce groupe local de Beyla a gagné plusieurs prix et a attiré l’attention du président, qui les fait monter à la capitale Conakry et en fait un orchestre national. Mené par la guitare de Sekou Diabaté, et la voix de la chanteuse Jenne Camara puis du chanteur Aboubacar Demba Camara, le groupe a exploré les rythmes traditionnels en y ajoutant des influences jazz, afropop puis, après une tournée à Cuba, des éléments afro-caribéens.


La mort d’Ahmed Sekou Touré en 1984, et le coup d’état du colonel Lansané Condé mettra un terme à cette politique culturelle et au soutien aux artistes guinéens. Afin de faire disparaître le régime socialiste de son prédécesseur, Condé va développer une idéologie strictement néo-libérale, et supprimer tout financement aux artistes. Comme punition pour avoir soutenu le gouvernement du PDG, les musiciens ne seront plus diffusés à la radio et leurs archives (presqu’entièrement) détruites. Des caches importantes de bandes magnétiques ont néanmoins été redécouvertes par la suite, notamment dans les caves de la RTG (Radio Télévision Guinée), permettant une campagne de réédition des disques de cette époque. (BD)


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