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Du ryukoka au kayokyoku – l’occidentalisation des musiques japonaises


Artistes de ryukoka
Durant la première moitié du 20e siècle, de nombreux artistes s’inspirent des musiques occidentales pour interpréter un nouveau type de chansons, créant un style qui est nommé ryukoka.

Lorsque le Japon s’ouvre aux influences extérieures en 1868, débutant l’ère Meiji, le pays découvre les musiques occidentales. Celles-ci vont déteindre sur les traditions locales et au fil des années, les chansons vont évoluer. Le style qui en découle est désigné par le terme ryukoka (musique populaire), qui aura son heure de gloire jusqu’au milieu des années 1920 avant d’être en partie remplacé par kayokyoku, toujours utilisé aujourd’hui comme mot générique pour différents courants de la chanson populaire, de l’enka à la j-op.  


En 1923, le grand tremblement de terre qui a détruit complètement Tokyo forme une rupture dans l’histoire du pays. C’est une période de grands changements dans la société, de migrations vers les grandes villes et d’une forte urbanisation. La musique et les divertissements populaires évoluent, délaissant le minyo traditionnel pour s’emparer des rythmes modernes du jazz et du blues. C’est l’époque de la première radiodiffusion (1926), des premiers enregistrements électriques (1928) et de l’établissement de labels de disques qui domineront le marché (Japan Columbia, Japan Victor, Japan Polydor, King Records) et aussi des premiers films parlants (1931). De nouveaux théâtres sont construits, hébergeant revues et vaudeville, tandis qu’apparaissent des salles de bal où des femmes étaient payées pour danser avec les hommes célibataires. Les orchestres y jouaient du tango, de la rumba, des musiques hawaïennes et du jazz, considéré en même temps comme moderne et décadent.


Les chansons en style ryukoka possèdent une structure occidentale, avec des rythmes venant des musiques européennes et américaines, mais la tonalité reste japonaise, parlant d’amour, de perte, de départs et de retrouvailles, tout comme l’enka qui sera son successeur après la Seconde Guerre mondiale.


Shinpei Nakayama est un des premiers compositeurs à écrire des chansons dans ce style, s’inspirant du minyo, suivi par Masao Koga. Une des stars de l’époque est le crooner Ichiro Fujiyama (1911-93) mais il n’est pas le seul. De nombreuses geishas comme Ichimaru et Katsutaro Kouta s’adaptent à l’air du temps et commencent à chanter devant des publics de théâtre, tout en enregistrant des disques. Ces chansons sont souvent considérées comme ayant une mauvaise influence, abordant des thèmes érotiques et décadents, avec une touche de grotesque et de macabre.


A partir de l’invasion de la Mandchourie en 1931, les textes deviennent de plus en plus patriotiques. Les ministères de l’Information et de l’Education s’impliquent dans la production des morceaux, censurant les textes et encourageant la propagande. La musique reste un mélange de sonorités japonaises et occidentales mais les fanfares sont particulièrement mises en avant, avec leur ton martial. De nombreux musiciens sont forcés d’écrire des chansons de guerre, surtout après 1941 et l’attaque de Pearl Harbour. Un thème récurrent est celui de la solitude du soldat sur le champ de bataille. Durant la Seconde Guerre mondiale, les salles de bal sont fermées et la musique occidentale est interdite, considérée comme celle de l’ennemi. Le jazz se joue encore mais dans la clandestinité.


Suite à la défaite et l’occupation du Japon par les troupes américaines, la situation se retourne complètement : la musique militaire est bannie et le jazz reprend une place prédominante. Le boogie-woogie tout particulièrement connaît son heure de gloire avec des compositions de Ryoichi Hattori, « Tokyo Boogie-Woogie » interprété par Shizuko Kasagi ou « Shamisen Boogie-Woogie » chanté par Ichimaru. Hibari Misora, chanteuse qui deviendra très populaire avec l’enka, commence sa carrière en 1949 avec « Kappa Boogie-Woogie ». Le style joyeux de la musique et les paroles positives étaient censées distraire des conditions de vie difficiles. De même, le mambo, le calypso, le cha cha cha et d’autres rythmes considérés comme exotiques deviennent très populaires. « Ringo no uta » de 1945, interprété par Michiko Namiki est un grand hit. Comme dans beaucoup d’autres pays, les années 1950 voient l’émergence du rock’n’roll, et les années 1960, la Beatlemania. Parallèlement, le ryukoka évolue vers un nouveau style, l’enka. (ASDS)


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