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Le shamisen – traditions anciennes, geishas et rythmes du nord


Fabricant de shamisen avec cliente, photo de circa 1909 (domain public)
Luth à long manche, le shamisen est un instrument très courant dans les musiques japonaises. Il est utilisé dans le théâtre bunraku et kabuki, mais aussi par les geishas pour accompagner des chansons populaires. Venant du nord du pays, le tsugaru shamisen étonne par ses rythmes effrénés.

Dérivé du sanshin d’Okinawa, et donc aussi du sanxian chinois, le shamisen aurait été introduit au Japon, dans la région d’Osaka, autour de 1562. Ce luth à long manche et sans frettes est plus grand que le sanshin, possède trois cordes en soie ou nylon et son corps carré est recouvert d’une peau de chat ou de chien (les serpents étant moins grands que dans l’archipel des Ryukyu d’où vient le sanshin, il a fallu trouver un autre animal plus adapté). Ces peaux sont aujourd’hui remplacées par des matériaux synthétiques. Il est joué à l’aide d’un grand plectre et les sons produits sont relativement secs et tranchants, caractérisés par un timbre particulier, par une vibration qu’on retrouve par exemple aussi dans le sitar indien.


Un siècle après son arrivée à Osaka, le shamisen s’est répandu à travers tout le Japon et est devenu très courant dans deux cadres différents : la musique pour le théâtre bunraku (gidayu) et kabuki (nagauta) et pour le jeu en récital, accompagné de voix (jiuta, kouta, nagauta, hauta, …), en solo ou ensemble. C’est dans cette dernière catégorie qu’on retrouve les chants des geishas. Sa forme s’est modifiée en fonction des nouveaux genres qui sont apparus au fil des années et il existe aujourd’hui une dizaine de types d’instruments différents, au manche plus ou moins étroit et aux plectres de tailles diverses. Son jeu peut être raffiné et discrètement érotique dans le jiuta ; dans le gidayu il est plus masculin et brut, utilisant un plectre plus grand et plus lourd. Dans le nagauta, c’est la virtuosité instrumentale qui prime tandis que la musique du tsugaru-shamisen, liée à des traditions populaires du nord du pays, est beaucoup plus complexe au niveau des rythmes et des textures.


Les principaux styles chantés peuvent se diviser en deux grandes catégories : le katarimono qui met en avant la narration et l’utaimono qui propose des chants basés sur la mélodie. Les différences sont subtiles et il est parfois difficile de distinguer l’un au l’autre style. Le katarimono possède un arbre généalogique très compliqué, souvent lié à un maître qui a créé un répertoire particulier, utilisant un shamisen spécifique. Le style le plus ancien est le naniwa-bushi qui trouve ses origines dans les histoires racontées par les musiciens itinérants. C’est le style le plus rude : les chants très nasillards, ou parfois proches du cri, expriment des émotions très fortes. Ce style s’insère dans la tradition des troubadours, griots et autres bardes du monde entier. D’autres styles se sont créés au fil du temps et on peut citer le bungo-bushi, racontant des histoires d’amour tragiques, se terminant en général par un double suicide, le shinnai-bushi populaire au 19e siècle dans les quartiers chauds de Tokyo à cause de son ton érotique, ou encore le tokiwazu-bushi, au chant moins intense et aux sons de shamisen plus doux. C’est également dans cette catégorie de chants narratifs qu’on peut placer le gidayu-bushi du bunraku.


L’utaimono met l’accent sur la mélodie. Il existe trois grands répertoires : le kouta, le jiuta et le nagauta, interprétés dans des contextes différents. Le nagauta est un chant long, créé à la base pour accompagner les danses du kabuki mais qui s’est développé en genre autonome interprété lors de récitals ou de banquets par un petit ensemble comprenant un shamisen mais aussi des flûtes et percussions. Dans le jiuta, des interludes instrumentaux interrompent par moments les chants très expressifs.


Quant au kouta, c’est un style de chant populaire qui s’est développé au 17e siècle dans les restaurants et maisons closes situés le long des routes qui menaient à la capitale Edo. C’est le répertoire des geishas et des maiko (les apprenties geisha), mais aussi de troupes de musiciens itinérants. La forme est simple et les paroles sont romantiques ou mélancoliques. Au fil du temps, leur côté érotique a été édulcoré mais le répertoire est toujours joué aujourd’hui. A partir des années 1950, il s’est mélangé à des styles américains : « Shamisen Boogie Woogie » est un des morceaux les plus connus de cette époque.


Le shamisen est très répandu dans le nord du Japon et un style particulier s’est développé dans l’ancienne région de Tsugaru, dans la préfecture d’Aomori. Appelé tsugaru-shamisen, il est instrumental et possède un son puissant et des rythmes rapides et saccadés. Il a été remis au goût du jour dans les années 2000 par une jeune génération qui s’est inspirée du maître aveugle Takahashi Chikuzan (1910-1998). Le tsugaru-shamisen est moins limité par un répertoire traditionnel strict, ce qui a permis de nombreuses innovations. Il a beaucoup été utilisé dans les domaines du rock ou du jazz. La puissance de l’instrument est telle que le chant n’est pas nécessaire et tout se joue autour de rythmes improvisés teintés d’une certaine virtuosité. Les frères Yoshida, habillés en kimonos mais aux coiffures punk, ont sorti plusieurs disques qui ont révolutionné le genre. Hiromitsu Agatsuma, Shinichi Kinoshita et d’autres musiciens et musiciennes ont pris le relais, jouant une musique très créative, allant vers la pop ou restant dans les traditions. (ASDS)


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