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Les années 1960 : Wasei pop et wasei foku


de gauche à droite, Ryu Sakamoto, the Peanuts, Ueki Hitoshi, Mike Maki, Tomoya Takaishi, Wataru Takada
En marge des circuits internationaux, le Japon a développé une musique pop particulière, qu’il réserve généralement au marché domestique et qu’il a rarement cherché à exporter. Plus qu’une variante locale de la musique pop internationale, il s’agit souvent de genres particuliers, ancrés dans l’histoire culturelle du pays et témoignant de sa relation complexe avec le monde extérieur.

On pourrait croire, par analogie avec la musique occidentale, qu’un pays industrialisé comme le Japon, maillon important de la production et du commerce globalisé, pratique la même musique internationale que le reste du monde, avec pour seule éventuelle caractéristique locale la langue japonaise. La conception d’une musique nationale hybride, inspirée de modèles étrangers mais s’en distinguant par une généalogie et des caractéristiques propres, a toutefois ici une longue histoire. Comme on l’a vu avec le kayokyoku et l’enka , une distinction a toujours été maintenue entre musique japonaise et musique étrangère. 


Les musiques qui ont suivi ces mouvements dans les années 1960 ont conservé une implantation dans la culture locale, sinon traditionnelle, même lorsqu’elles dérivaient directement d’importations comme la musique afro-cubaine, le jazz, le blues, le rock ou la pop anglo-saxonne. L’autrice Carolyn Stevens consacre de nombreuses pages de son livre Japanese Popular Music : Culture, Authenticity and Power à ce qui peut, outre la langue, être vu comme typiquement et uniquement japonais dans la musique populaire du pays, depuis l’instrumentation, l’usage d’échelles pentatoniques, les références aux structures classiques (le ma ou le jo ha kyu, empruntés au théâtre nô, etc.), le chant nasal et son vibrato, jusqu’aux références à des traditions régionales moins marquées par l’influence étrangère, comme la musique d’Okinawa ou d’Amami. Selon elle, le public japonais reconnait immédiatement, malgré l’homogénéisation moderne de la pop, ce qui est un produit local et ce qui est un emprunt. 


Le cas du pop-rock japonais est donc un exemple intéressant de cette évolution. Ses premiers pas, après la vague de l’enka et du kayokyoku, sont bien sûr marqués à ses débuts par la présence militaire américaine, mais s’en éloignent progressivement pour produire la wasei pop, littéralement une pop « made in Japan ». Les productions initiales seront toutefois avant tout des reprises de morceaux pop américains, parfois traduites en japonais, mais de nouvelles chansons locales verront également le jour. Ses principaux représentants seront Kyu Sakamoto (qui obtiendra étonnamment un succès aux USA en1961 avec son morceau « Ue o muite aruko », connu là-bas sous le titre « Sukiyaki »), Ueki Hitoshi & the Crazy Cats, ou encore le duo de sœurs jumelles The Peanuts (dont la carrière a entre autres été lancée par leur rôle dans le film Mothra contre Godzilla). Le début de la pop sera soutenu par la place de plus importante de la télévision dans le Japon de l’époque. 


Le folk suivra un trajet similaire, devenant wasei foku (folk « made in Japan », à ne pas confondre avec le minyo) par analogie avec la wasei pop. Ce nouveau folk est basé non pas sur la tradition japonaise, mais sur une musique acoustique inspirée par Peter, Paul and Mary, Bob Dylan et Joan Baez. Mike Maki, Yoko Moriyama, et le groupe Broadside four, connaitront un certain succès avec cette formule. D’autres comme Tomoya Takaishi ou Wataru Takada incorporeront également la dimension contestataire de leurs modèles et pratiqueront une forme de protest song. (BD)


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